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La sainteté exemplaire de la Vierge Marie – Paul VI

La sainteté exemplaire de la Vierge Marie

      La sainteté exemplaire de la Vierge entraîne les fidèles à lever « leurs yeux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus ». Vertus solides, évangéliques:

       – la foi et l’accueil docile de la Parole de Dieu (cf. Lc 1, 26-38; 1, 45; 11, 27-28; Jn 2, 5);
       – l’obéissance généreuse (cf. Lc 1, 38);
       – l’humilité sincère (cf. Lc 1, 48);
       – la charité empressée (cf. Lc 1, 39-56);
       – la sagesse réfléchie (cf. Lc 1, 29.34; 2, 19. 33. 51);
       – la piété envers Dieu, qui la rendit zélée dans l’accomplissement des devoirs religieux (cf. Lc 2, 21. 22-40, 41), reconnaissante pour les dons reçus (cf. Lc 1, 46-49), offrande dans le Temple (cf. Lc 2, 22-24), priante dans la communauté apostolique (cf. Ac 1, 12-14);
       – la force d’âme dans l’exil (cf. Mt 2, 13-23), dans la douleur (cf. Lc 2, 34-35. 49; Jn 19, 25);
       – la pauvreté pleine de dignité et de confiance en Dieu (cf. Lc 1, 48; 2, 24);
       – la prévenance attentive envers son Fils, de l’humilité de la crèche à l’ignominie de la croix (cf. Lc 2, 1-7; Jn 19, 25-27);
       – la délicatesse prévoyante (cf. Jn 2, 1-11);
       – la pureté virginale (cf. Mt 1, 18-25; Lc 1, 21-38);
       – l’amour conjugal fort et chaste.

      De ces vertus de la Mère s’orneront les fils qui, avec ténacité, regardent ses exemples pour les reproduire dans leur vie. Et une telle progression dans la vertu apparaîtra comme la conséquence et le fruit déjà venu à maturité de cette force pastorale qui se dégage du culte rendu à la Vierge.

Paul VI, Marialis cultus, 57



Le Corps et le Sang du Christ

Le Corps et le Sang du Christ

Homélie de l’Abbé Bernard Scher – (14/6/2009)

Aujourd’hui nous célébrons la fête- Dieu, le Corps et le Sang du Christ, la fête de l’Eucharistie.
L’Eucharistie c’est le rassemblement de ceux qui adhèrent à Jésus-Christ, qui essayent de vivre de Sa Vie et de pratiquer Son Amour, dont Il continue de nous combler chaque jour.

Le rassemblement pour cette célébration, que nous vivons régulièrement, dit que nous faisons partie d’une EGLISE, qui n’est pas simplement une administration extérieure formée par le pape, les évêques, les prêtres et les laïcs; il dit que nous formons cette immense communion de tous les chrétiens répandus sur la terre entière, dont nous sommes devenus membres par notre Baptême. L’Église c’est nous tous et toutes, dans la mesure où nous essayons de vivre concrètement, chaque jour, de ce Christ qui nous a donné son Amour en mourant sur la croix et en ressuscitant le jour de Pâques; nous formons cette Église dans la mesure où nous vivons de Sa Vie là où nous côtoyons nos frères et soeurs.

La célébration eucharistique, la messe, s’enracinent dans un désir amoureux de Dieu : «J’ai désiré ardemment manger cette Pâque avec vous», disait Jésus lors du dernier repas avec ses apôtres. Et Il a fait un geste d’amour extrême pour tous ceux qui croiront en Lui : «Prenez et mangez, ceci est mon Corps; prenez et buvez, ceci est mon Sang.» Par ce geste Il s’est donné entièrement à nous, Il a montré Son Amour extrême pour les hommes.

Chaque fois que nous participons à l’Eucharistie, il faudrait que nous nous posions la question :
Ma présence ici est-elle en relation, ou plutôt, est-elle fruit de mon amour pour Dieu et pour les autres ?

Dans l’Ancien Testament, Dieu ressemblait encore beaucoup aux dieux protecteurs des autres peuples qu’on servait et qu’on apaisait par des offrandes. Mais les prophètes invitaient déjà le Peuple Choisi à une religion d’amour : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur.» et aussi : «Revenez à moi de tout votre coeur», dit le Seigneur.

Depuis la venue de Jésus parmi nous, nous savons qu’on ne peut pas séparer notre amour pour Dieu et celui pour les autres. Venons-nous à la messe par routine, par habitude, ou sommes-nous là pour puiser à la Source un amour toujours renouvelé ? Il faut que notre messe s’enracine dans le quotidien de notre existence humaine. Célébrer le Repas du Seigneur ce n’est pas assister à ‘un souper aux chandelles’ ou à une simple cérémonie du souvenir. Ce repas est ‘subversif’ parce qu’il nous engage à revivre tous les gestes libérateurs du Christ, à risquer, comme Lui, notre vie pour nos frères les hommes. Comment peut-on, par exemple, rompre le pain avec le Christ en laissant mourir de faim les trois quarts de l’humanité ? Comment pouvons-nous venir ici pour célébrer l’Amour si nous sommes en guerre avec nos voisins ou avec tel membre de notre famille ? Célébrer l’Eucharistie, le repas du Seigneur, c’est entrer, jour après jour, dans Sa logique d’Amour, c’est faire mourir en moi, en nous, tout qui est obstacle à l’Amour, à la Paix, à la Justice…

N’est-ce pas formidable que le Fils du Dieu Tout-Puissant nous dise : «C’est ma chair et mon sang que je vous donne jusqu’à la fin des temps. Je suis présent à toute votre vie… et vous pouvez vivre de Ma vie !»

Frères et soeurs, en cette fête du Corps et du Sang du Christ, accueillons le Seigneur dans toute notre vie. Portons-le à tous nos frères et soeurs que nous rencontrerons durant cette semaine; soyons ‘transparents’ de Sa présence amoureuse dans le monde. Ainsi, en ‘pratiquant’ l’Eucharistie en dehors de l’église, dans nos lieux de vie, nous serons les apôtres de Son Amour pour tous les hommes.

AMEN

Abbé Bernard Scher
Retrouvez les homélies de l’Abbé Scher sur Le site de la Communauté de Paroisses St Benoît de Bouzonville



Le sacrifice sacerdotal* – Grégoire de Nazianze

Le sacrifice sacerdotal*
Grégoire de Nazianze (+389/390)

*Sermon 1 sur Pâques. Prononcé en 362, devant le père de Grégoire qui était évêque de Nazianze et avait fait construire l’église de cette ville. C’est lui qui avait poussé son fils à lui succéder dans son ministère.

      1. Jour de résurrection, heureux commencement! Célébrons, radieux, cette fête et donnons-nous le baiser de paix. Appelons « frères » ceux qui nous haïssent, et pas seulement les amis qui nous ont rendu service ou ont souffert pour nous. Pardonnons tout en l’honneur de la résurrection; oublions nos torts mutuels. Je vous pardonne, moi, la belle violence que vous m’avez faite (c’est maintenant que je la trouve belle!) et vous qui m’avez brusqué de si belle manière, pardonnez à mon retard. Vous m’en faites reproche: mais qui sait si Dieu ne le préfère pas à la hâte des autres? Ces quelques hésitations qu’à l’appel de Dieu marquèrent jadis le grand Moïse et plus tard Jérémie, valent bien la prompte obéissance d’Aaron et d’Isaïe! Il faut seulement que les deux attitudes soient inspirées par la piété. L’une émane du sentiment de notre faiblesse; l’autre de la puissance de celui qui nous appelle.

      2. Un mystère m’a oint. Et je ne me suis dérobé à ce mystère que le temps de m’examiner. Je reviens à vous, en plein mystère, amenant avec moi ce beau jour qui m’aide à vaincre mes scrupules et ma faiblesse; et j’espère que celui qui est aujourd’hui ressuscité d’entre les morts, me renouvellera en esprit, me revêtira de l’homme nouveau et donnera à sa nouvelle création (ceux qui sont nés en Dieu), un bon ouvrier et un bon maître, prêt à mourir et à ressusciter avec le Christ.

      3. Hier, on immolait l’agneau; on oignait de son sang les montants des portes; l’Égypte pleurait ses premiers-nés; l’Exterminateur nous épargnait, devant ce signe qu’il respectait et redoutait; un sang précieux nous protégeait. Aujourd’hui, purifiés, nous avons fui l’Égypte, le Pharaon, ce cruel souverain et ses impitoyables gouverneurs. Nous ne sommes plus condamnés au mortier et à la brique et nul ne nous empêchera de célébrer, en l’honneur du Seigneur notre dieu, le jour où nous sommes sortis d’Égypte, et de le célébrer non pas avec le vieux levain de la malice et de l’injustice, mais avec les azymes de pureté et de vérité, sans rien emporter de l’impie ferment d’Égypte.

      4. Hier, j’étais crucifié avec le Christ; aujourd’hui, je suis glorifié avec lui. Hier, je mourais avec le Christ; je revis aujourd’hui avec lui. Hier, j’étais enseveli avec le Christ; aujourd’hui, je sors avec lui du tombeau. Portons donc nos prémices à celui qui a souffert et qui est ressuscité pour nous. Croyez-vous que je parle ici d’or, d’argent, d’étoffes, de pierreries rares? Faibles biens de la terre! Ils ne sortent du sol que pour tomber presque toujours entre les mains de scélérats, esclaves d’ici-bas et du Prince du monde.

      Offrons donc nos propres personnes: c’est le présent le plus précieux aux yeux de Dieu et le plus proche de lui. Rendons à son image ce qui lui ressemble le plus. Reconnaissons notre grandeur, honorons notre modèle, comprenons la force de ce mystère, et les raisons de la mort du Christ.

      5. Soyons comme le Christ, puisque le Christ a été comme nous. Soyons des dieux pour lui, puisqu’il s’est fait homme pour nous. Il a pris le pire, pour nous donner le meilleur; il s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté; il a pris la condition de l’esclave, pour nous procurer la liberté; il s’est abaissé, pour nous exalter; il a été tenté, pour nous voir triompher; il s’est fait mépriser, pour nous couvrir de gloire. Il est mort, pour nous sauver. Il est monté au ciel pour nous attirer à lui, nous qui avions roulé dans l’abîme du péché.

      Donnons tout, offrons tout à celui qui s’est donné comme prix, comme rançon. Nous ne donnerons rien d’aussi grand que nous-mêmes, si nous avons compris ces mystères et sommes devenus pour lui tout ce qu’il est devenu pour nous.

      6. Il (Grégoire parle ici de son père) vous donne un pasteur, vous le voyez. Car tel est son espoir, son désir, et la grâce que ce bon berger demande à ceux qu’il tient sous sa houlette. Il donne sa vie pour ses brebis, et il se donne deux fois plutôt qu’une. De son bâton de vieillesse il fait un bâton de l’Esprit. Au temple inanimé il joint un temple vivant, et à ce temple magnifique et céleste il ajoute un autre temple, qui est peut-être médiocre, mais qui lui est cher et lui a coûté bien des efforts et de la peine! Puisse-ton dire qu’il en est digne!

      Il vous donne tout ce qu’il possède. Que de grandeur en lui, ou plutôt que de tendresse envers ses enfants! Il vous donne sa vieillesse, la jeunesse d’un fils, un temple, un prêtre, un testateur, un héritier, et les paroles que vous entendiez! Et ce ne sont pas des paroles vagues qui se dissipent en l’air et ne font que heurter l’oreille; non, l’Esprit les a écrites et il les grave sur des tables de pierre ou de chair, en trait non point légers et faciles à effacer, mais il les inscrit profondément sans encre, par la grâce.

      7. Tel est le don de ce vénérable Abraham, ce patriarche, ce chef noble et respectable, demeure de toutes les vertus, règle de la sainteté, perfection du sacerdoce; il offre aujourd’hui au Seigneur, en sacrifice volontaire, son fils unique, l’enfant de la promesse. Et vous, offrez à Dieu et à nous-mêmes une grande docilité lorsque nous vous mènerons paître,

                  parqués en des prés d’herbe fraîche,
                  menés vers les eaux du repos. (Psaume, 23, 2).

      Connaissez bien votre pasteur, faites-vous connaître de lui. Écoutez sa voix franche et nette à travers la porte, n’obéissez pas à l’étranger qui saute par-dessus la clôture comme un voleur et un traître. N’écoutez pas les voix inconnues qui tireraient subrepticement loin de la vérité et vous égareraient par les monts, les déserts, les ravins, et autres lieux que le Seigneur ne visite pas, et vous éloigneraient de la vraie foi, celle qui proclame que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’une même divinité, une même puissance. Cette voix-là, mes brebis l’ont toujours écoutée; puissent-elles l’écouter encore, au lieu de celle qui accumule mensonges et infamies, et nous fait perdre notre premier et véritable berger.

      Puissions-nous tous, bergers et troupeaux, paître et faire paître loin de ces herbes vénéneuses et fatales, et être tous un dans le Christ Jésus, aujourd’hui et dans les célestes séjours. A lui, la gloire et la puissance en tous les siècles.

      Amen.

Grégoire de Nazianze (+389/390)      



Que notre prière soit publique et communautaire – Cyprien de Carthage

Que notre prière soit publique et communautaire*
Cyprien de Carthage

*De l’oraison dominicale, 8-9.

Et d’abord le maître de la paix et de l’unité n’a pas voulu que nous priions individuellement et à part, afin que celui qui prie ne prie pas uniquement pour lui. Nous ne disons pas: Mon Père qui es dans le ciel ni: donne-moi mon pain quotidien. Et chacun ne prie pas uniquement pour soi que Dieu lui remette sa dette; ou qu’il ne le soumette pas à la tentation et qu’il le délivre du mal.

Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, nous ne prions pas pour un seul mais pour tout le peuple, car avec tout le peuple nous sommes un. Le Dieu de la paix et le maître de la concorde, qui nous enseigne l’unité, a voulu que chacun prie pour tous comme lui-même nous a tous portés en un.

Les trois jeunes gens dans la fournaise ont observé cette loi de la prière, ils étaient unis dans la prière et ne faisaient qu’un cœur. L’Écriture en témoigne et, nous renseignant sur leur façon de prier, elle nous donne un exemple à imiter dans notre prière, afin de pouvoir leur ressembler. Alors, dit-elle, ces trois comme d’une seule bouche chantaient et bénissaient Dieu (Daniel, 3, 51).

Ils parlaient comme d’une seule bouche, et pourtant le Christ ne leur avait pas encore appris à prier. Leur supplication fut puissante et efficace, parce qu’une prière paisible, simple et spirituelle oblige Dieu. Tous, est-il dit, « d’un même cœur persévéraient dans la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes, 1, 14). D’un même cœur ils persévéraient dans la prière, ce qui manifeste à la fois leur ardeur et leur unité. Car Dieu, qui rassemble dans sa maison ceux qui ont un même cœur, n’admet dans ses demeures divines et éternelles que ceux qui prient en communion, les uns avec les autres.

Nous disons « Père »
Parce que nous sommes devenus fils.

Combien nombreuses et grandes sont les richesses de la prière du Seigneur. Elles sont ramassées en peu de mots mais d’une intensité spirituelle inépuisable, au point que rien n’y manque dans ce résumé de la doctrine céleste de ce qui doit constituer notre prière. Il est dit: « Priez ainsi: Notre Père qui es dans les cieux. »

L’homme nouveau, qui est re-né et rendu à son Dieu par la grâce, dit d’abord: Père, parce qu’il est devenu fils. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu, à ceux qui croient en son nom. » (Jean, 1, 12). Celui qui a cru en son nom et qui est devenu fils de Dieu doit commencer par rendre grâces et professer qu’il est fils de Dieu. Et quand il appelle Père le Dieu dans les cieux, il atteste par là même qu’il renonce au père terrestre et charnel de sa première naissance, pour ne plus connaître qu’un seul Père qui est dans les cieux. Il est écrit en effet: « Ceux qui disent à père et mère, je ne te connais pas, et ne reconnaissent pas leurs enfants, ceux-là ont observé ta parole, et ont gardé ton alliance. » (Deutéronome, 33, 9).
Le Seigneur de même nous enjoint dans l’Évangile de n’appeler personne sur terre notre père, puisque nous n’avons qu’un père qui est dans les cieux. Au disciple qui fait mention de son père défunt, il répond: « Laisse les morts enterrer leurs morts. » (Matthieu, 8, 22). Le Disciple parlait d’un père défunt, alors que le Père des croyants est vivant.

Cyprien de Carthage (+vers 258)



Prière à la Mère de Dieu – Saint Grégoire de Narek

Prière à la Mère de Dieu

par saint Grégoire de Narek

Toi qui a été fortifiée et protégée par le Père très haut,
préparée et consacrée par l’Esprit Saint
qui s’est reposé sur toi,
embellie par le Fils qui habita en toi,
accueille cette prière et présente-la à Dieu.

Ainsi par toi toujours secouru et comblé de tes bienfaits,
ayant trouvé refuge et lumière près de toi,
je vivrai pour le Christ, ton Fils et Seigneur.

Sois mon avocate, demande et supplie.
Comme je crois à ton indicible pureté,
je crois au bon accueil qui est fait à ta parole.

Il en sera ainsi, ô Mère du Seigneur,
si dans ma recherche incertaine, tu m’accueilles,
ô toi toute disponible,
si dans mon agitation, tu me tranquillises,
ô toi qui es repos,
si le trouble de mes passions, tu le changes en paix,
ô Pacificatrice,
si mes amertumes, tu les adoucis,
ô toi qui es douceur,
si mes impuretés, tu les enlèves,
ô Allégresse.

Je te le demande, Mère du Très Haut Seigneur Jésus,
lui que tu as enfanté Homme et Dieu à la fois,
lui qui aujourd’hui glorifié par le Père et le Saint Esprit,
lui qui est tout et en toutes choses.

A lui soit la Gloire, dans les siècles des siècles!

Amen.

Saint Grégoire de Narek (951 – 1003)



Prière au Christ souffrant – Ephrem (+373)

Prière au Christ souffrant* – Ephrem

*Sermon sur les souffrances du Sauveur, 9.

      Je tombe à tes genoux, Seigneur, pour t’adorer. Je te rends grâce, Dieu de bonté, je t’implore, ô Dieu de sainteté. Devant toi, je fléchis les genoux.

      Tu aimes les hommes, et je te glorifie, ô Christ. Fils unique et Seigneur de toutes choses, qui seul es sans péché: tu t’es livré, pour moi pécheur et indigne, à la mort, et à la mort de la croix. De la sorte tu as délivré les âmes des entraves du mal. Que te rendrai-je, Seigneur, pour tant de bonté?

      Gloire à toi, ô ami des hommes!
      Gloire à toi, ô miséricordieux!
      Gloire à toi, ô longanime!
      Gloire à toi, qui absous les péchés!
      Gloire à toi, qui es venu pour sauver nos âmes!
      Gloire à toi, qui t’es fait chair dans le sein de la vierge!
      Gloire à toi, qui fus ligoté!
      Gloire à toi, qui fus flagellé!
      Gloire à toi, qui fus bafoué!
      Gloire à toi, qui fus cloué à la croix!
      Gloire à toi, qui fus enseveli, et qui es ressuscité!
      Gloire à toi, qui fus prêché aux hommes, et en toi ils ont cru!
      Gloire à toi, qui es monté au ciel!
      Gloire à toi, qui es assis à la droite du Père; tu reviendras avec la majesté du Père et les saints anges, pour juger, en cette heure effroyable et terrible, toutes les âmes qui ont méprisé ta sainte Passion.

      Les puissances du ciel seront ébranlées, tous les anges, les archanges, Chérubins et Séraphins apparaîtront avec crainte et tremblement devant ta gloire; les fondements de la terre chancelleront et tout ce qui respire frémira devant ta souveraine majesté.

      En cette heure-là, que ta main m’abrite sous tes ailes, afin de sauver mon âme du feu terrible, des grincements de dents, des ténèbres extérieures et des larmes éternelles: que je puisse te glorifier en chantant:

      Gloire à celui qui a daigné sauver le pécheur, dans sa miséricordieuse bonté.

Ephrem (+373)      



Le sacrifice d’Abraham – Origène

Le sacrifice d’Abraham* – Origène (+253/54)

*Homélie 8 sur la Genèse. P. G., 12, 203. Le texte grec est perdu. Il ne reste que la version latine de Rufin.

      1. Prêtez ici l’oreille, vous qui êtes venus auprès du Seigneur, qui prétendez être fidèles; mettez tous vos soins à considérer, dans le récit qui vous a été lu, comment la foi des fidèles est mise à l’épreuve. Il arriva, dit l’Écriture, après ces paroles, que Dieu éprouva Abraham et lui dit: Abraham, Abraham. Et celui-ci lui répondit: Me voici. Considère chaque détail de l’Écriture. Pour qui sait creuser profond, chacun renferme un trésor. Là même où peut-être on s’y attend le moins, se cachent les joyaux précieux des mystères.

      L’homme dont nous parlons s’appelait d’abord Abram. Nous ne lisons nulle part que Dieu l’ait appelé de ce nom ou lui ait dit: Abram, Abram. Dieu ne pouvait l’appeler du nom qu’il allait supprimer. Il l’appelle du nom qu’il lui a donné. Il ne se contente pas de lui donner ce nom, il le répète. A sa réponse: Me voici, Dieu poursuit: Prends Isaac, ton fils très cher que tu aimes, et tu me l’offriras. Va, ajouta-t-il, en un lieu élevé, et tu me l’offriras en holocauste, sur une montagne que je t’indiquerai.

      Dieu lui-même expliqua le nom d’Abraham qu’il lui donna: « Car, dit-il, je t’ai établi père d’une multitude de peuples » (Genèse, 17, 5). Dieu lui fit cette promesse, alors qu’il n’avait comme fils qu’Ismaël; mais il lui donna l’assurance que la promesse se réaliserait, quand Sara lui donnerait un fils. Il avait allumé en son coeur l’amour paternel, non seulement en lui donnant une postérité, mais en lui faisant espérer l’accomplissement des promesses.

      Et voici que ce fils qui porte des promesses si grandes et si merveilleuses, ce fils, dis-je, qui lui a valu le nom d’Abraham, il lui est demandé de l’offrir en holocauste au Seigneur sur une des montagnes.

      Qu’en dis-tu, Abraham? Quelles pensées bouleversent ton coeur? La voix de Dieu a parlé pour ébranler ta foi et l’éprouver. Qu’en dis-tu? Qu’en penses-tu? Est-ce que tu te ravises? Tu te dis peut-être, en ton coeur, en réfléchissant: Si la promesse m’a été donnée en Isaac, et que je l’offre maintenant en holocauste, il ne me reste donc plus de promesse à attendre? Ne penses-tu pas bien plutôt: il est impossible, te dis-tu, que celui qui a fait la promesse ait menti. Quoi qu’il arrive, la promesse demeurera.

      Moi, il est vrai, je suis bien trop petit, je ne suis pas à même de scruter les pensées d’un si grand patriarche. Jamais je ne connaîtrai les réflexions, les sentiments qui ont aginté son coeur, quand la voix de Dieu l’a mis à l’épreuve, en lui ordonnant d’immoler son fils unique. Mais comme l’esprit des prophètes est soumis aux prophètes (1Corinthiens, 14, 32), l’apôtre Paul a connu, je crois, par l’Esprit, les sentiments et les réflexions d’Abraham. Il les précise, quand il écrit: Dans sa foi, Abraham n’hésita point quand il offrit son fils unique, sur qui reposait la promesse; il se dit que Dieu est assez puissant pour ressusciter les morts (Hébreux, 11, 17).

      L’Apôtre nous a donc livré les pensées de cet homme de foi; la foi en la résurrection est apparue pour la première fois, avec l’histoire d’Isaac. Abraham espérait qu’Isaac allait ressusciter; il a eu foi que se réaliserait ce qui n’était pas encore accompli. Comment peuvent-ils être fils d’Abraham ceux qui ne croient pas accompli dans le Christ ce qu’Abraham a cru devoir s’accomplir en Isaac? Et même, pour parler plus clairement, Abraham savait qu’il préfigurerait la vérité à venir, il savait que, de sa postérité, naîtrait le Christ, qui serait réellement offert en victime pour l’univers entier et ressusciterait d’entre les morts.

      2. Or, dit l’Écriture, Dieu éprouverait Abraham et lui commanda: Prends ton fils très cher, celui que tu aimes. Il ne se contente pas de dire: ton fils, mais il ajoute très cher. Passons! mais pourquoi ajouter celui que tu aimes? Songe combien lourde est l’épreuve. Ces appellations d’amour et de tendresse encore et toujours répétées rendent plus vifs les sentiments d’un père: le souvenir vivant de cet amour fait hésiter la main du père, qui doit immoler son fils; toute la cohorte de la chair se dresse contre la foi de l’esprit. A l’heure de l’épreuve, il entend: Prends donc ton fils très cher, dit-il, celui que tu aimes, Isaac.

      Passe encore, Seigneur, que tu fasses mémoire d’un fils à son père, mais tu appelles très cher celui que tu ordonnes d’immoler! C’en est assez pour le supplice du père! Tu ajoutes encore: celui que tu aimes. Ce qui rend le supplice pour le père trois fois plus grand. A quoi bon en rappeler le nom: Isaac? Abraham pouvait-il ignorer que son fils très cher, celui qu’il aimait, s’appelait Isaac? Pourquoi le rappeler à cette heure? Pour qu’Abraham se souvienne que tu lui avais dit: en Isaac résidera ta descendance qui perpétuera ton nom (Genèse, 21, 1). En Isaac se réaliseront pour toi les promesses. Il rappelle le nom pour mettre en doute les promesses faites en ce nom. Tout cela, pour éprouver la foi d’Abraham.

      3. Qu’y a-t-il après? Va-t-en, lui dit-il, en un lieu élevé sur une des montagnes que je te montrerai. Là tu immoleras l’holocauste. Considérez par le détail la progression de l’épreuve. Va-t-en en un lieu élevé. Pourquoi ne pas conduire Abraham avec l’enfant en ce lieu élevé et lui désigner la montagne choisie par le Seigneur, et là lui demander d’offrir son fils? Mais non: Il lui est d’abord demandé d’offrir son fils, puis de se rendre en un lieu élevé et là de gravir une montagne. Dans quelle intention?

      Pour qu’en route, chemin faisant, il soit, tout au long du parcours, tiraillé par ses réflexions, qu’il soit tour à tour écartelé par l’ordre qui le presse et par l’amour de son fils unique qui se révolte. Voilà pourquoi il doit faire la route, gravir la montagne, pour donner, tout au long du trajet, le temps de s’affronter à son coeur et à sa foi, à l’amour de Dieu et à l’amour de la chair, à la joie de ce qui est présent et à l’attente des biens futurs.

      Il lui faut aller en un lieu élevé. Il ne suffit pas au patriarche pour accomplir une si grande oeuvre au nom du Seigneur, de se rendre en un lieu élevé; il lui faut gravir une montagne, ce qui veut dire: il lui faut quitter, porté par la foi, les choses de la terre pour monter vers celles d’en haut.

      4. Abraham se leva donc de bon matin, sella son ânesse et fendit le bois de l’holocauste. Il prit avec lui son fils Isaac et deux serviteurs; il parvint au lieu que Dieu lui avait fixé le troisième jour. Abraham se leva le matin. En ajoutant le matin, l’Écriture veut peut-être montrer que l’aube de la lumière brillait déjà dans son coeur. Il sella son ânesse, prépara le bois et prit son fils. Il ne délibère pas, ne tergiverse pas, ne parle à personne de son dessein, mais immédiatement se met en route.

      Et il parvint au lieu que Dieu lui avait fixé le troisième jour. Pour le moment, je laisse de côté le mystère exprimé par le troisième jour, pour ne considérer que la sagesse et le dessein de celui qui met à l’épreuve. Les alentours ne présentaient pas de montagne, alors que tout devait se passer sur les sommets; la route se prolonge donc pendant trois jours, trois jours durant lesquels les inquiétudes l’assaillent, sa tendresse de père est torturée. Et tout au long de cette attente, le père peut contempler son fils à loisir, il prend avec lui ses repas, se blottit contre sa poitrine, repose contre son coeur. Voyez: l’épreuve est à son comble.

      Le troisième jour est toujours plein de mystères. Le peuple qui sortit de l’Égypte, le troisième jour offre à Dieu un sacrifice, le troisième jour il se purifie. La résurrection du Seigneur a lieu le troisième jour. Ce jour renferme bien d’autres mystères…

Origène (+253/54)   



Pureté et Sainte Communion – St Augustin

Sermon CXXXII. Pureté et Sainte Communion (Jean, VI, 66. 67)

      1. Nous venons de l’entendre pendant la lecture du saint Évangile, c’est en nous promettant la vie éternelle que Jésus-Christ notre Seigneur nous exhorte à manger sa chair et à boire son sang. Vous l’avez tous entendu, mais tous vous ne l’avez pas compris. Vous qui êtes baptisés et vous- qui êtes au nombre des fidèles, vous savez la pensée du Seigneur. Quant à ceux qui sont encore Catéchumènes où Écoutants, ils ont pu entendre ses paroles, mais en ont-ils saisi le sens? Aussi nous adressons-nous aux uns et aux autres.

      Ceux qui déjà mangent la chair du Seigneur et boivent son sang, doivent songer à ce qu’ils mangent et à ce qu’ils boivent; pour ne pas s’exposer, comme s’exprime l’Apôtre, à manger et à boire leur condamnation (I Cor. XI, 29). Pour ceux qui ne communient pas encore, qu’ils s’empressent d’approcher de ce divin banquet où ils sont invités. C’est à cette époque que les maîtres de maison donnent des repas : Jésus en donne chaque jour, et voilà sa table dressée au milieu de cette enceinte. Qui vous empêche, ô Écoutants, de voir cette table et de vous asseoir à ce festin? Vous vous êtes dit peut-être, durant la lecture de l’Évangile : Quelle idée nous faire de ces mots : « Ma chair est véritablement une nourriture et mon sang véritablement un breuvage ? » Comment se mange la chair et comment se boit le sang du Seigneur ? Que veut-il dire? — Mais qui t’a fermé l’entrée de ce mystère? Tu y vois un voile; ce voile, si tu veux, sera ‘soulevé. Viens à la profession de foi et la question sera résolue pour toi, car ceux qui l’ont faite connaissent ce qu’a voulu dire notre Seigneur Jésus. Quoi! on t’appelle Catéchumène, on t’appelle Écoutant, et tu es sourd! Tu as ouverte l’oreille du corps, puisque tu entends le bruit des paroles; mais tu as fermée encore l’oreille du coeur, puisque tu n’en comprends point le sens. Je parle, mais je n’explique pas. Nous voici à Pâques, fais-toi inscrire pour le Baptême. Si la fête ne suffit pas pour t’exciter, laisse-toi conduire par la curiosité même, par le désir de savoir ce que signifie « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. » Pour comprendre avec moi le sens de ces mots : frappe et on t’ouvrira. Je te dis : Frappe et on t’ouvrira; moi aussi je frappe, ouvre-moi; je fais bruit aux oreilles, mais je frappe au coeur.

      2. Mes frères, si nous devons exciter les Catéchumènes à ne point différer de recevoir cette grâce- immense de la régénération; quel soin devons-nous consacrer à porter les fidèles à profiter de ce qu’ils reçoivent, à ne pas manger, à ne pas boire leur condamnation à cette table divine ! Qu’ils vivent donc bien, pour être préservés de ce malheur. Et vous, exhortez, non par vos paroles, mais par vos moeurs, ceux qui ne sont pas baptisés, à suivre vos exemples sans y trouver la mort. Époux, gardez à vos épouses la foi nuptiale ; faites pour elles, ce que vous exigez pour vous. Mari, tu requiers de ta femme la garde de la chasteté, donne-lui l’exemple et non des paroles. Tu es le chef; vois où tu marches; car tu ne dois marcher que par où elle peut te suivre sans danger; que dis-je? partout où tu veux qu’elle mette le pied, tu dois mettre le tien. De ce sexe faible tu exiges la force : comme vous éprouvez l’un et l’autre les convoitises de la chair, c’est au plus fort de vaincre le premier. N’est-il pas toutefois déplorable de voir tant d’hommes vaincus par les femmes? Des femmes gardent la chasteté que des hommes refusent d’observer; ils mettent même leur honneur d’homme à ne l’observer pas, comme si leur sexe n’était plus fort que pour se laisser plus ‘facilement dompter par l’ennemi. Il y a lutte, il y a combat, il y a bataille. L’homme est plus fort que la femme, dont il est le chef (Ephés. V, 23). La femme combat, elle triomphe; et toi tu succombes! Le corps reste debout et la tête est tombée!

      Pour vous, qui n’êtes point mariés encore et qui pourtant vous approchez de la table du Seigneur pour y manger sa chair et y boire son sang, conservez-vous pour vos futures épouses si vous devez en prendre. Ne doivent-elles pas vous trouver telles que vous désirez les trouver vous-mêmes? Quel est le jeune homme qui ne désire une épouse chaste, qui ne demande l’intégrité la plus parfaite dans la vierge à laquelle il veut s’unir ? Sois ce que tu veux qu’elle soit ; tu la veux pure, sois pur. Ne pourrais-tu ce dont elle est capable ? Si la vertu est impossible, pourquoi la pratique-t-elle? Et si elle la pratique, n’est-ce pas t’enseigner qu’elle est praticable ? C’est Dieu sans doute qui la dirige pour l’en rendre capable.

      Souviens-toi cependant qu’à la pratiquer tu auras plus de gloire qu’elle. Pourquoi plus de gloire? C’est qu’elle est comprimée par la vigilance de ses parents, arrêtée par la pudeur (le son faible sexe, retenue enfin par la peur de lois que tu n’as pas à craindre. Voilà pourquoi tu auras réellement plus de gloire à demeurer chaste, la pureté sera en toi la preuve que tu crains Dieu.Elle, en dehors de Dieu, que n’a-t-elle pas à craindre? Toi, tu n’as d’autre crainte que celle de Dieu ; mais aussi quelle grandeur comparable à celle de ce Dieu que tu crains ? Il faut le craindre en public et le craindre en secret. Si tu sors il te voit, il te voit encore si tu entres ; ta lampe brûle, il te voit ; elle est éteinte, il te voit encore; il te voit quand tu pénètres dans ton cabinet, il te voit aussi quand tu réfléchis en ton coeur. Crains, crains cet oeil qui ne te perd pas de vue, et que la crainte au moins te maintienne chaste; ou bien, si tu es déterminé à pécher, cherche un endroit où Dieu ne te verra pas, et fais là ce que tu veux.

      3. Pour vous qui déjà avez fait le voeu de pureté, châtiez plus sévèrement votre corps, ne laissez pas la convoitise aller même à ce qui est permis; non content, de vous abstenir de tout contact impur, sachez dédaigner même un regard licite. Quelque soit votre sexe, souvenez-vous que vous menez sur la terre la vie des Anges, puisque les Anges ne se marient point. Après lai résurrection nous serons tous comme eux (Matt. XXXII, 30); mais combien vous l’emportez sur les autres, vous qui commencez d’être avant la mort ce qu’ils ne seront qu’après la résurrection ! Soyez fidèles à vos engagements divers, comme Dieu sera fidèle à vous glorifier diversement. Les morts ressuscités sont comparés aux étoiles du ciel. « Une étoile, dit l’Apôtre, diffère en clarté d’une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection (I Cor. XV, 41, 42). » Autre sera l’éclat de la virginité, autre l’éclat de la chasteté conjugale, autre encore l’éclat de la viduité sainte. La gloire sera diverse, ruais tous les élus auront la leur. La splendeur n’est pas la même, le ciel est commun.

      4. Réfléchissez ainsi à vos devoirs, soyez fidèles à vos obligations diverses et recevez la chair, recevez le sang du Seigneur. Qu’on n’approche point, si l’on n’a pas la conscience en bon état. Que mes paroles vous portent de plus en plus à la componction. Elles portent la joie dans ceux qui savent rendre à leurs épouses ce qu’ils demandent d’elles et dans ceux aussi qui observent avec perfection la continence qu’ils ont vouée à Dieu. Mais il en est d’autres qui s’affligent en m’entendant dire : N’approchez pas de ce pain sacré, vous qui n’êtes pas purs. Je voudrais bien ne pas tenir ce langage : mais que faire ? Aurai-je peur de l’homme pour ne pas annoncer la vérité ? Il faudra donc que ces serviteurs infidèles ne craignant pas le Seigneur, je ne le craigne pas non plus, comme si je ne connaissais pas cette sentence : « Serviteur mauvais et paresseux, tu aurais dû donner et moi j’aurais fait rendre (Matt. 26, 27). »

      Ah ! j’ai donné, Seigneur mon Dieu ; oui, devant vous, devant vos Anges et devant votre peuple j’ai distribué vos richesses; car je redoute vos jugements. J’ai distribué, à vous de faire rentrer. Du reste vous le ferez assez sans que je le dise. Je dirai donc au contraire: J’ai distribué, à vous de toucher, à vous de pardonner. Rendez purs ceux qui étaient impurs. Ainsi, au jour de vos arrêts, nous serons tous dans la joie, et celui qui a donné et celui qui a reçu. Le voulez-vous, mes frères ? Veuillez-le. O impudiques, corrigez-vous pendant que vous êtes en vie. Je puis bien annoncer la parole de Dieu, mais je ne saurais soustraire au jugement et à la condamnation suprême les impurs qui auront persévéré dans leurs infamies.

Saint Augustin (+430)



Né de nouveau – Grégoire de Nysse (+ vers 394)

Pour la fête des lumières (Sermon prononcé en 383, P. G., 46, 580)

      Il nous faut terminer avec les témoignages de l’Écriture. Notre discours se prolongerait sans fin si nous voulions tout énumérer pour le rassembler dans un seul livre. Vous tous qui vous glorifiez du don de la nouvelle naissance et êtes fiers de votre renouvellement et de votre salut, montrez-moi après cette grâce mystique le changement opéré dans vos mœurs; laissez-moi voir dans la pureté de votre vie combien vous vous êtes améliorés. Ce qui tombe sous le sens ne change pas, la forme du corps reste la même et dans la structure de la nature visible rien ne se modifie.

      Il nous faut nécessairement une preuve pour discerner l’homme nouveau, il nous faut des signes pour distinguer le nouveau du vieil homme. Ce sont, me semble-t-il, les mouvements libres de l’âme qui s’arrache elle-même à la vie passée pour adopter un nouveau style de vie, montrant clairement à ceux qui les fréquentent le changement opéré et que le passé ne laisse pas de trace.

      Voici en quoi consiste la transformation, si vous voulez bien me suivre et aligner votre conduite à mes paroles. Avant le baptême, l’homme était intempérant, avare, voleur, injurieux, menteur, calomniateur et tout ce qui s’en suit. A présent, il lui faut être réservé, satisfait de ce qu’il possède, prêt à le partager avec les pauvres, soucieux de la vérité, respectueux de tous et avenant, en un mot il doit pratiquer tout ce qui est bien. Comme la lumière chasse les ténèbres et la blancheur la noirceur, les œuvres de la justice chassent le vieil homme. Tu vois comment Zachée par son changement de vie a étouffé le publicain en lui: il a rendu le quadruple à ceux qu’il avait lésés; il a distribué aux pauvres ce que précédemment il leur extorquait.

      Un autre publicain, l’évangéliste Matthieu, collègue de Zachée, immédiatement après son élection a déposé sa vie passée comme un masque. Paul avait été un persécuteur, il devint par grâce apôtre et porta pour le Christ, en esprit d’expiation et de pénitence les chaînes injustes que jadis il avait reçues de la Loi pour poursuivre les disciples de l’Évangile.

      Voilà comment il doit se présenter la nouvelle naissance, s’extirper l’habitude du péché, voilà comment doivent vivre les fils de Dieu, car la grâce nous fait fils de Dieu. Il nous faut donc contempler exactement les qualités de notre Créateur de manière à nous modeler sur notre Père pour devenir les fils véritables et légitimes de celui qui par grâce nous a appelés à l’adoption. Un fils dénaturé et déchu qui, dans sa conduite, trompe la noblesse de son père est un reproche vivant. Voilà pourquoi, me semble-t-il, le Seigneur dans l’Évangile en traçant notre ligne de conduite dit à ses disciples: « Faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous blessent et vous persécutent, afin que vous soyez les fils de votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons, et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes » (Matthieu, 5, 44-45). Vous serez des fils, dit-il, si vous partagez la bonté du Père, en exprimant dans votre comportement et vos disposition à l’endroit de vos proches la bonté de Dieu.

      Voilà pourquoi, une fois revêtus de la dignité de fils, le démon nous assiège plus durement, car il crève de jalousie quand il voit la beauté de l’homme nouveau qui s’achemine vers la cité céleste dont il a été chassé. Il allume en vous de terribles tentations et s’efforce de vous dépouiller de votre seconde parure, comme il l’avait fait pour la première fois. Lorsque nous remarquons ses incursions, il nous faut redire la parole de l’Apôtre: « Nous tous qui avons été baptisés, nous avons été baptisés en sa mort » (Romains, 6, 3.).

      Si donc nous sommes morts, le péché est mort pour nous, il a été percé par la lance comme Phinéas dans son zèle l’avait fait pour le débauché. Va-t’en donc, misérable, tu veux dépouiller un mort qui t’avais suivi autrefois, à qui les voluptés passées avaient fait perdre le sens. Un mort n’a aucun attrait pour son corps, un mort n’est pas séduit par les richesses, un mort ne calomnie pas, un mort ne ment pas, ne dérobe pas ce qui ne lui appartient pas, ne méprise pas ceux qu’il rencontre.

      J’ai changé de style de vie. J’ai appris à mépriser le monde, à faire fi des biens terrestres et à rechercher les biens d’en-haut. Paul l’a dit: Le monde lui est crucifié, et lui au monde (Galates, 6, 14). Voilà le discours de l’âme régénérée en vérité, voilà comment s’exprime l’homme nouveau qui se souvient de la profession de foi qu’il a faite à Dieu en accueillant le mystère, où il a promis de mépriser toute peine et tout plaisir par amour pour lui.

      Voilà qui suffit pour commémorer la festivité que le cycle de l’année nous propose. Il convient de terminer notre discours par celui qui nous fait ce don pour lui apporter en échange un modeste tribut pour tant de bienfaits.

      Tu es, en vérité, Seigneur, une source sans cesse jaillissante de bonté, toi qui nous as rejetés dans ta justice et qui as eu pitié dans ta bienveillance. Tu nous as haïs et tu est réconcilié avec nous, tu nous as maudis et tu nous as bénis; tu nous as chassés du paradis et tu nous y as ramenés; tu nous as revêtus de modestes feuilles de figuier, l’habit de notre misère, et tu nous as jeté sur les épaules le manteau de parure; tu as ouvert la prison et libéré les condamnés, tu nous as aspergés d’eau pure et lavés de nos souillures. Désormais Adam n’aura plus à rougir si tu l’appelles, il n’aura plus à se cacher dans le taillis du paradis sous le poids de sa conscience. L’épée de feu ne fermera plus l’entrée du paradis pour empêcher d’entrer ceux qui s’approchent. Tout est changé en joie pour les héritiers du péché, le paradis et le ciel sont désormais ouverts à l’homme. La création terrestre et supra-terrestre autrefois divisées se sont unies dans l’amitié; nous, les hommes, nous sommes accordés avec les anges et communion dans une même connaissance de Dieu.

      Pour ces raisons, chantons à Dieu le chant d’allégresse que des lèvres inspirées ont proféré un jour:

                  Mon âme exultera à cause du Seigneur
                  car il m’a revêtu des vêtements du salut,
                  comme l’époux coiffe un turban,
                  comme la mariée se pare de ses atours. (Isaïe, 61, 10).

      Celui qui parle l’épouse est naturellement le Christ, qui est, qui était, qui sera, il est béni maintenant et dans les siècles. Amen.

Grégoire de Nysse (+ vers 394)      



Hymne au Christ sauveur – Clément d’Alexandrie

Hymne au Christ sauveur* – Clément d’Alexandrie

*Pédagogue, 3, 12, P. G., 8, 681

Mors des poulains indomptés,
aile des oiseaux au vol assuré,
gouvernail sûr des vaisseaux,
berger des agneaux royaux,
rassemble la troupe
de tes enfants purs;
qu’ils louent avec sainteté,
qu’ils chantent avec sincérité,
avec des lèvres sans malice,
le Christ qui conduit ses enfants.

Souverains des saints,
ô Verbe invincible
du Père très-haut,
prince de sagesse,
soutien des labeurs,
éternelle joie.

O Jésus, Sauveur
de la race mortelle,
pasteur, laboureur,
frein et gouvernail,
aile vers le ciel
de l’assemblée des saints.

Pêcheur des hommes que tu viens sauver;
sur la mer du vice,
tu prends les poissons purs;
de la vague hostile
tu les mènes à la vie bienheureuse.

Guide ton troupeau
des brebis de sagesse;
conduits, ô Roi,
tes enfants sans reproche.
Les traces du Christ
sont la route du ciel.

O Verbe éternel,
âge sans limite,
lumière immortelle,
fontaine de miséricorde,
ouvrier de la vertu,
vie révérée
de ceux qui chantent Dieu.

O Christ Jésus,
tu es le lait céleste
des douces mamelles
d’une jeune épouse,
des grâces de ta Sagesse.

Nous, petits enfants,
dont la bouche tendre
vient s’en désaltérer;
nous nous abreuvons
en toute chasteté
du flot de l’Esprit.

Chantons ensemble
des cantiques purs,
des hymnes loyaux
au Christ souverain,
prix sacré de la vie
que sa voix nous donne.

Célébrons d’un coeur simple
le Fils tout-puissant.
Nous qui sommes nés du Christ,
formons le choeur de la paix;
peuple de la sagesse,
chantons tous ensemble
le dieu de la paix.

Clément d’Alexandrie (+avant 215)