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« Notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. » Saint-Augustin

J’ai pris place.

Je suis là, tel que je suis :
Avec ma joie et mes remerciements,
avec mes préoccupations et mes demandes,
avec mes plans et mes désirs,
avec ma souffrance et ce que je subis,
avec mes forces et ma réussite,
avec ma faiblesse et avec mes frontières
je suis assis devant toi, ô Seigneur.

J’apporte avec moi ceux qui sont proches de moi :
Famille, amis, voisins, collègues.

Je te remercie pour ceux qui sont avec moi :
Protège et bénis les.

Je te prie pour ceux qui ont besoin de ton aide :
Fortifie-les et accompagne-les.

Je pense à ceux, avec lesquels j’ai des problèmes :
Montre-nous le chemin de la réconciliation et une meilleure
compréhension réciproque.

« Notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ».

Saint Augustin

 

HOMÉLIE DE S. AUGUSTIN POUR LA FÊTE DES APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DE S. AUGUSTIN POUR LA FÊTE DES APÔTRES PIERRE ET PAUL

Ils ont vu ce qu’ils ont prêché

Le martyre des saints Apôtres Pierre et Paul a fait pour nous de ce jour un jour sacré. Nous ne parlons pas de quelques martyrs obscurs : Ce qu’ils proclament a retenti par toute la terre, et leur parole, jusqu’au bout du monde. Ces martyrs ont vu ce qu’ils ont prêché, après avoir vécu selon la justice, en proclamant la vérité, en mourant pour la vérité.

C’est le bienheureux Pierre, le premier des Apôtres, celui qui aimait fougueusement le Christ, qui a eu le bonheur de s’entendre dire : Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre. Car lui-même venait de dire : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Et le Christ lui dit alors : Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Sur cette pierre je bâtirai la foi que tu viens de confesser. Sur cette parole que tu viens de dire : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, je bâtirai mon Église. Car tu es Pierre. Le nom de Pierre vient de la pierre, et non l’inverse. Le nom de Pierre vient de la pierre, comme « chrétien » vient de Christ. ~

Ainsi que vous le savez, le Seigneur Jésus, avant sa passion, choisit ses disciples, et leur donna le nom d’Apôtres. Parmi eux, c’est Pierre qui, presque en toute circonstance, mérita de personnifier toute l’Église à lui seul. C’est parce qu’il personnifiait l’Église à lui seul qu’il a eu le bonheur de s’entendre dire : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. En effet, ce n’est pas un homme seul, mais l’Église dans son unité, qui a reçu ces clefs. Ceci met en relief la prééminence de Pierre, car il a représenté l’universalité et l’unité de l’Église lorsqu’il lui fut dit : Je te confie, alors que c’était confié à tous. En effet, pour que vous sachiez que c’est l’Église qui a reçu les clefs du Royaume des cieux, écoutez ce que le Seigneur dit à tous ses Apôtres dans un autre endroit : Recevez l’Esprit Saint. Et aussitôt : Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. ~

Et c’est encore à juste titre que le Seigneur, après sa résurrection, confia à Pierre en personne la charge de faire paître ses brebis. Car il n’est pas le seul parmi les disciples qui méritait de faire paître les brebis du Seigneur ; mais si le Christ parle à un seul, c’est pour mettre en valeur l’unité. Et il s’adresse en premier à Pierre parce que Pierre est le premier parmi les Apôtres. ~ Ne sois pas triste, Apôtre, d’être interrogé trois fois : réponds une fois, réponds deux fois, réponds trois fois. Que ta confession soit victorieuse trois fois par l’amour, parce que ta présomption a été trois fois vaincue par la crainte. Il faut délier trois fois ce que tu avais lié trois fois. Délie par l’amour ce que tu avais lié par la crainte. Et cependant le Seigneur, une fois, deux fois, et trois fois, a confié ses brebis à Pierre. ~

En un même jour, on célèbre la passion de deux Apôtres ! Mais ces deux ne faisaient qu’un : bien qu’ils aient souffert à des jours différents, ils ne faisaient qu’un. Pierre a précédé, Paul a suivi. ~ Nous célébrons le jour de fête de ces Apôtres, consacré pour nous par leur sang. Aimons leur foi, leur vie, leurs labeurs, leurs souffrances, ce qu’ils confessaient, ce qu’ils prêchaient.



Toucher par la foi – St Augustin d’Hippone

      C’est curieux: à la femme pleine de foi qui est venue chercher le corps de son Seigneur, qu’il ne lui fut pas possible de trouver dans le tombeau, le Seigneur Jésus Christ a dit: Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père (Jn 20, 17). Ne voulait-il donc pas se laisser toucher avant d’être monté vers son Père? Mais il n’était pas encore monté vers son Père lorsqu’il disait à ses disciples: Voyez mes mains et mes pieds: c’est bien moi! Touchez-moi, regardez (Lc 24, 39). Il s’opposait à ce qu’on le touchât, mais il se laissait palper!

      Et pourtant, parce qu’il aimait, il se laissait bien toucher. Le Seigneur Jésus Christ siège dans le ciel, à la droite du Père, mais il souffre aussi sur la terre. Il est au ciel, mais ses membres sont ici. Il est au ciel, celui qui viendra juger les vivants et les morts; mais en même temps il est parmi les siens, dont il dira: Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt 25, 40).

      Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Qu’est-ce à dire? Qu’on touche mieux le Christ par la foi que par la chair. Toucher le Christ par la foi, c’est le toucher en toute vérité.

St Augustin d’Hippone (+430),
Père de l’Église

 

Ils virent Jésus seul – St Augustin d’Hippone

      A ces mots, les disciples tombèrent à terre. Ceci nous fait déjà comprendre que le Royaume de Dieu est présent dans l’Église.

      Alors le Seigneur tendit la main et remit ses disciples debout. Puis, Ils ne virent plus que Jésus seul Mt 17, 8). En tombant à terre, les Apôtres symbolisent notre mort. Mais, en les relevant, le Seigneur symbolise la résurrection. Et, après la résurrection, à quoi te sert la Loi? A quoi te sert la Prophétie? Dès lors Elie disparaît, et Moïse disparaît. Ce qui te reste c’est: Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Le Verbe te reste pour que Dieu soit tout en tous.

      Descend, Pierre. Tu désirais te reposer sur la montagne. Voici que le Seigneur lui-même te dis: « Descends pour peiner et servir en ce monde, pour être méprisé et crucifié en ce monde. » La vie est descendue pour être mise à mort, le pain est descendu pour endurer la faim, la voie est descendue pour se fatiguer sur le chemin, et toi, tu refuses de souffrir? Ne cherche pas ton profit. Pratique la charité, annonce la vérité.

St Augustin d’Hippone (+430) Père de l’Église



Aimez vos ennemis – St Augustin

      En aimant des ennemis, ce sont des frères que vous aimez. Comment, dis-tu, ce sont des frères que nous aimons! Je te demande pourquoi tu aimes ton ennemi, pourquoi l’aimes-tu? Pour qu’il soit en santé durant cette vie? Mais s’il n’y trouve pas avantage! Pour qu’il soit riche? Mais si les richesses sont pour lui cause d’aveuglement! Pour qu’il se marie? Mais si ce mariage doit lui rendre la vie amère! Pour qu’il ait des enfants? Mais s’ils doivent faire le mal!

      Incertains sont donc ces biens que tu crois souhaiter à ton ennemi, par amour pour lui, oui, incertains. Souhaite-lui d’avoir part avec toi à la vie éternelle; souhaite-lui d’être ton frère. Si donc tu souhaites, en aimant ton ennemi, qu’il devienne ton frère, quand tu l’aimes, c’est un frère que tu aimes. Ce qu’en effet tu aimes en lui, ce n’est pas ce qu’il est, mais ce que tu veux qu’il soit.

S. Augustin d’Hippone (+430)
Père de l’Église



Aime-moi – St Augustin d’Hippone

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      À quoi reconnaissons-nous que nous aimons les fils de Dieu? À ce que nous aimons Dieu et que nous faisons ce qu’il commande (1 Jn 5, 2). Ici, nous perdons souffle, tant il est difficile de faire ce que Dieu commande. Mais écoute ce que je vais dire. Homme, pourquoi peines-tu en aimant? C’est que tu aimes l’avarice. C’est avec peine qu’est aimé ce que tu aimes; c’est sans peine que Dieu est aimé. L’avarice va t’imposer des peines, des risques, des tourments, des tribulations, et tu lui obéis. À quelle fin?

      Et Dieu, que te commande-t-il? « Aime-moi. » tu aimes l’or, tu est en quête d’or, et peut-être n’en trouveras-tu pas. « Quiconque me cherche, je suis avec lui. » Tu aimes les honneurs, et peut-être n’y parviendras-tu pas. « Qui m’a aimé, et n’es pas parvenu jusqu’à moi? » Tu veux avoir un protecteur ou un ami puissant; tu le courtises par l’intermédiaire d’un autre moins haut placé. « Aime-moi, nul besoin d’intermédiaire pour avoir accès jusqu’à moi, l’amour même me rend présent à toi. » L’achèvement de toutes nos oeuvres, c’est l’amour. Là est la fin; c’est pour l’obtenir que nous courons, c’est vers lui que nous courons; une fois arrivés, c’est en lui que nous nous reposerons.

St Augustin d’Hippone (+430)



Pureté et Sainte Communion – St Augustin

Sermon CXXXII. Pureté et Sainte Communion (Jean, VI, 66. 67)

      1. Nous venons de l’entendre pendant la lecture du saint Évangile, c’est en nous promettant la vie éternelle que Jésus-Christ notre Seigneur nous exhorte à manger sa chair et à boire son sang. Vous l’avez tous entendu, mais tous vous ne l’avez pas compris. Vous qui êtes baptisés et vous- qui êtes au nombre des fidèles, vous savez la pensée du Seigneur. Quant à ceux qui sont encore Catéchumènes où Écoutants, ils ont pu entendre ses paroles, mais en ont-ils saisi le sens? Aussi nous adressons-nous aux uns et aux autres.

      Ceux qui déjà mangent la chair du Seigneur et boivent son sang, doivent songer à ce qu’ils mangent et à ce qu’ils boivent; pour ne pas s’exposer, comme s’exprime l’Apôtre, à manger et à boire leur condamnation (I Cor. XI, 29). Pour ceux qui ne communient pas encore, qu’ils s’empressent d’approcher de ce divin banquet où ils sont invités. C’est à cette époque que les maîtres de maison donnent des repas : Jésus en donne chaque jour, et voilà sa table dressée au milieu de cette enceinte. Qui vous empêche, ô Écoutants, de voir cette table et de vous asseoir à ce festin? Vous vous êtes dit peut-être, durant la lecture de l’Évangile : Quelle idée nous faire de ces mots : « Ma chair est véritablement une nourriture et mon sang véritablement un breuvage ? » Comment se mange la chair et comment se boit le sang du Seigneur ? Que veut-il dire? — Mais qui t’a fermé l’entrée de ce mystère? Tu y vois un voile; ce voile, si tu veux, sera ‘soulevé. Viens à la profession de foi et la question sera résolue pour toi, car ceux qui l’ont faite connaissent ce qu’a voulu dire notre Seigneur Jésus. Quoi! on t’appelle Catéchumène, on t’appelle Écoutant, et tu es sourd! Tu as ouverte l’oreille du corps, puisque tu entends le bruit des paroles; mais tu as fermée encore l’oreille du coeur, puisque tu n’en comprends point le sens. Je parle, mais je n’explique pas. Nous voici à Pâques, fais-toi inscrire pour le Baptême. Si la fête ne suffit pas pour t’exciter, laisse-toi conduire par la curiosité même, par le désir de savoir ce que signifie « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. » Pour comprendre avec moi le sens de ces mots : frappe et on t’ouvrira. Je te dis : Frappe et on t’ouvrira; moi aussi je frappe, ouvre-moi; je fais bruit aux oreilles, mais je frappe au coeur.

      2. Mes frères, si nous devons exciter les Catéchumènes à ne point différer de recevoir cette grâce- immense de la régénération; quel soin devons-nous consacrer à porter les fidèles à profiter de ce qu’ils reçoivent, à ne pas manger, à ne pas boire leur condamnation à cette table divine ! Qu’ils vivent donc bien, pour être préservés de ce malheur. Et vous, exhortez, non par vos paroles, mais par vos moeurs, ceux qui ne sont pas baptisés, à suivre vos exemples sans y trouver la mort. Époux, gardez à vos épouses la foi nuptiale ; faites pour elles, ce que vous exigez pour vous. Mari, tu requiers de ta femme la garde de la chasteté, donne-lui l’exemple et non des paroles. Tu es le chef; vois où tu marches; car tu ne dois marcher que par où elle peut te suivre sans danger; que dis-je? partout où tu veux qu’elle mette le pied, tu dois mettre le tien. De ce sexe faible tu exiges la force : comme vous éprouvez l’un et l’autre les convoitises de la chair, c’est au plus fort de vaincre le premier. N’est-il pas toutefois déplorable de voir tant d’hommes vaincus par les femmes? Des femmes gardent la chasteté que des hommes refusent d’observer; ils mettent même leur honneur d’homme à ne l’observer pas, comme si leur sexe n’était plus fort que pour se laisser plus ‘facilement dompter par l’ennemi. Il y a lutte, il y a combat, il y a bataille. L’homme est plus fort que la femme, dont il est le chef (Ephés. V, 23). La femme combat, elle triomphe; et toi tu succombes! Le corps reste debout et la tête est tombée!

      Pour vous, qui n’êtes point mariés encore et qui pourtant vous approchez de la table du Seigneur pour y manger sa chair et y boire son sang, conservez-vous pour vos futures épouses si vous devez en prendre. Ne doivent-elles pas vous trouver telles que vous désirez les trouver vous-mêmes? Quel est le jeune homme qui ne désire une épouse chaste, qui ne demande l’intégrité la plus parfaite dans la vierge à laquelle il veut s’unir ? Sois ce que tu veux qu’elle soit ; tu la veux pure, sois pur. Ne pourrais-tu ce dont elle est capable ? Si la vertu est impossible, pourquoi la pratique-t-elle? Et si elle la pratique, n’est-ce pas t’enseigner qu’elle est praticable ? C’est Dieu sans doute qui la dirige pour l’en rendre capable.

      Souviens-toi cependant qu’à la pratiquer tu auras plus de gloire qu’elle. Pourquoi plus de gloire? C’est qu’elle est comprimée par la vigilance de ses parents, arrêtée par la pudeur (le son faible sexe, retenue enfin par la peur de lois que tu n’as pas à craindre. Voilà pourquoi tu auras réellement plus de gloire à demeurer chaste, la pureté sera en toi la preuve que tu crains Dieu.Elle, en dehors de Dieu, que n’a-t-elle pas à craindre? Toi, tu n’as d’autre crainte que celle de Dieu ; mais aussi quelle grandeur comparable à celle de ce Dieu que tu crains ? Il faut le craindre en public et le craindre en secret. Si tu sors il te voit, il te voit encore si tu entres ; ta lampe brûle, il te voit ; elle est éteinte, il te voit encore; il te voit quand tu pénètres dans ton cabinet, il te voit aussi quand tu réfléchis en ton coeur. Crains, crains cet oeil qui ne te perd pas de vue, et que la crainte au moins te maintienne chaste; ou bien, si tu es déterminé à pécher, cherche un endroit où Dieu ne te verra pas, et fais là ce que tu veux.

      3. Pour vous qui déjà avez fait le voeu de pureté, châtiez plus sévèrement votre corps, ne laissez pas la convoitise aller même à ce qui est permis; non content, de vous abstenir de tout contact impur, sachez dédaigner même un regard licite. Quelque soit votre sexe, souvenez-vous que vous menez sur la terre la vie des Anges, puisque les Anges ne se marient point. Après lai résurrection nous serons tous comme eux (Matt. XXXII, 30); mais combien vous l’emportez sur les autres, vous qui commencez d’être avant la mort ce qu’ils ne seront qu’après la résurrection ! Soyez fidèles à vos engagements divers, comme Dieu sera fidèle à vous glorifier diversement. Les morts ressuscités sont comparés aux étoiles du ciel. « Une étoile, dit l’Apôtre, diffère en clarté d’une autre étoile. Ainsi en est-il de la résurrection (I Cor. XV, 41, 42). » Autre sera l’éclat de la virginité, autre l’éclat de la chasteté conjugale, autre encore l’éclat de la viduité sainte. La gloire sera diverse, ruais tous les élus auront la leur. La splendeur n’est pas la même, le ciel est commun.

      4. Réfléchissez ainsi à vos devoirs, soyez fidèles à vos obligations diverses et recevez la chair, recevez le sang du Seigneur. Qu’on n’approche point, si l’on n’a pas la conscience en bon état. Que mes paroles vous portent de plus en plus à la componction. Elles portent la joie dans ceux qui savent rendre à leurs épouses ce qu’ils demandent d’elles et dans ceux aussi qui observent avec perfection la continence qu’ils ont vouée à Dieu. Mais il en est d’autres qui s’affligent en m’entendant dire : N’approchez pas de ce pain sacré, vous qui n’êtes pas purs. Je voudrais bien ne pas tenir ce langage : mais que faire ? Aurai-je peur de l’homme pour ne pas annoncer la vérité ? Il faudra donc que ces serviteurs infidèles ne craignant pas le Seigneur, je ne le craigne pas non plus, comme si je ne connaissais pas cette sentence : « Serviteur mauvais et paresseux, tu aurais dû donner et moi j’aurais fait rendre (Matt. 26, 27). »

      Ah ! j’ai donné, Seigneur mon Dieu ; oui, devant vous, devant vos Anges et devant votre peuple j’ai distribué vos richesses; car je redoute vos jugements. J’ai distribué, à vous de faire rentrer. Du reste vous le ferez assez sans que je le dise. Je dirai donc au contraire: J’ai distribué, à vous de toucher, à vous de pardonner. Rendez purs ceux qui étaient impurs. Ainsi, au jour de vos arrêts, nous serons tous dans la joie, et celui qui a donné et celui qui a reçu. Le voulez-vous, mes frères ? Veuillez-le. O impudiques, corrigez-vous pendant que vous êtes en vie. Je puis bien annoncer la parole de Dieu, mais je ne saurais soustraire au jugement et à la condamnation suprême les impurs qui auront persévéré dans leurs infamies.

Saint Augustin (+430)



Le chant nouveau * – Saint Augustin d’Hippone

Le chant nouveau * – Saint Augustin d’Hippone

* P.L., 38, 210-213, Sermon 34 sur le psaume 149.

      1. L’on nous invite à chanter au Seigneur un chant nouveau. L’homme nouveau connaît ce chant nouveau. Le chant est l’expression de la joie, et à la réflexion, il est aussi l’expression de l’amour. Celui donc qui sait aimer la vie nouvelle sait chanter ce chant nouveau. Qu’est-ce que la vie nouvelle? Le chant nouveau nous incite à la chercher. Car tout ici appartient à l’unique royauté: l’homme nouveau, le chant nouveau, le testament nouveau, et dès qu’il chantera son chant nouveau, l’homme nouveau appartiendra au testament nouveau.

      2. Il n’est personne qui n’aime: mais qu’aime-t-on? On n’exige pas que nous cessions d’aimer, mais que nous choisissions l’objet de notre amour. Or choisirions-nous si nous n’étions d’abord choisis? Nous n’aimons que si nous sommes aimés les premiers. Écoutez l’apôtre Jean: c’est lui qui se penchait sur le coeur de son Maître et qui, en ce repas, buvait les célestes secrets. Cette boisson, cette ivresse heureuse lui inspirèrent ce mot: « Au commencement était la Parole » (Jean, 1, 1). Sublime humilité! Enivrement spirituel! Mais ce grand inspiré, c’est-à-dire ce grand prédicateur (Augustin joue sur le double sens de ructare, roter et prêcher.), entre autres secrets qu’il puisa sur le coeur de son Maître, proféra celui-ci: « Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier. » (1Jean, 4, 10). C’était accorder beaucoup à l’homme que de dire en parlant de Dieu: Nous aimons. Nous, lui? Des hommes, Dieu? Des mortels, l’éternel? Des pécheurs, le juste? Des êtres fragiles, l’immuable? Des créatures, le créateur? Nous l’avons aimé! Et comment l’avons-nous pu? Parce que lui-même nous a aimés le premier. Celui que nous avons aimé s’est lui-même donné: il s’est donné pour que nous l’aimions. Qu’a-t-il donné pour que nous l’aimions? L’apôtre Paul vous le dira plus clairement: « L’amour de Dieu, dit-il, s’est répandu en nos coeurs. » (Romains, 5, 5). Par qui? Est-ce pour nous? Non. Par qui alors? Par l’Esprit-Saint qui nous a été donné.

      3. Pleins d’un si grand témoignage, aimons Dieu par Dieu. Puisque l’Esprit-Saint est Dieu, aimons Dieu par Dieu. Que dirai-je de plus? Aimons Dieu par Dieu. L’amour de Dieu, dis-je, s’est répandu dans nos coeurs, par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. Et de ce que l’Esprit-Saint est Dieu et que nous ne pouvons aimer Dieu que par l’Esprit-Saint, il découle que nous aimons Dieu par Dieu. La conclusion s’impose. Jean vous le dira plus nettement encore! « Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui » (Jean, 4, 8 ); c’est peu de dire: l’amour vient de Dieu. Mais qui d’entre nous oserait répéter cette parole: Dieu est amour? Elle a été proférée par quelqu’un qui connaissait ce qu’il possédait. Pourquoi l’imagination de l’homme, pourquoi son esprit frivole lui représentent-ils Dieu, pourquoi forgent-ils une idole à son coeur? Pourquoi lui donnent-ils un Dieu imaginaire, au lieu du Dieu qu’il a mérité de trouver? Est-ce là dieu? Non, mais le voici. Pourquoi esquisser ces contours? Pourquoi disposer ces membres? Pourquoi tracer ces lignes gracieuses? Pourquoi rêver des beautés de son corps? Dieu est amour. Quelle est la couleur de l’amour? Quelles sont ses formes et ses lignes? Nous ne voyons rien de lui, et pourtant nous aimons.

      4. J’ose le déclarer à votre Charité (Votre Charité ou Votre Sainteté sont des formules de politesse qu’Augustin adresse fréquemment à son auditoire): cherchons en bas ce que nous découvrirons là-haut. L’amour humble et bas lui-même, l’amour sale et honteux qui ne s’attache qu’à la beauté physique, cet amour, dis-je, nous presse pourtant et nous élève vers des sentiments plus hauts et plus purs. Un homme sensuel et débauché aime une femme d’une rare beauté. Il est bouleversé par la grâce de son corps, mais, au-dedans, il cherche une réponse à sa tendresse. Apprend-il que cette femme le hait? Toute la fièvre, toutes les transes qu’excitaient ces traits admirables retombent. Devant cet être qui le fascinait, il éprouve un haut-le-coeur; il s’éloigne, plein de colère, et l’objet de sa tendresse lui inspire même un commencement de haine. Son corps s’est-il pour autant altéré? Ses charmes se sont-ils évanouis? Non. Mais il brûlait pour l’objet qu’il voyait, et il exigeait du coeur un sentiment qu’il ne voyait pas. S’aperçoit-il au contraire qu’il est aimé de retour? Comme il redouble d’ardeur! Elle le voit, il la voit, mais nul ne voit l’amour, et pourtant, c’est lui que l’on aime, quoique invisible!

      5. Relevez-vous de ces désirs fangeux et demeurez dans la pure lumière de l’amour. Tu ne vois pas Dieu: aime, et tu le possèdes. Tant de biens, objets de vils désirs, sont aimés sans être possédés. On les convoite âprement, mais on ne peut les posséder aussitôt. L’amour de l’or nous en donne-t-il la possession? Beaucoup l’aiment et n’en ont pas. Aimer les grands et riches domaines, est-ce les avoir? Beaucoup les aiment et n’en ont pas. Aimer les honneurs, est-ce les détenir? Beaucoup en sont dénués et brûlent de les acquérir. Ils se démènent, et le plus souvent, meurent avant que le succès ait couronné leurs efforts.

      Mais Dieu s’offre à nous, d’emblée. Aimez-moi, nous crie-t-il, et vous me posséderez. Car vous ne pouvez m’aimer sans me posséder.

      6. O frères! O fils! O germes catholiques! O plantes saintes et célestes, ô vous qui êtes régénérés en Jésus-Christ et nés dans le ciel, écoutez-moi, ou plutôt écoutez par moi: Chantez au Seigneur un chant nouveau! Bien, dis-tu, je chante. Tu chantes, oui, tu chantes. J’entends. Mais que ta vie ne porte pas témoignage contre ta langue. Chantez avec la voix, chantez avec le coeur, chantez avec la bouche, chantez avec la vie, chantez au Seigneur un chant nouveau. Mais comment devez-vous chanter celui que vous aimez? Sans nul doute, c’est celui que tu aimes que tu désires chanter. Tu veux connaître sa gloire pour la chanter. Vous avez entendu: Chantez au Seigneur un chant nouveau. Vous voulez connaître sa gloire? Sa gloire est dans l’assemblée des saints. La gloire de celui que l’on chante n’est autre que le chanteur. Voulez-vous dire gloire à Dieu? Soyez vous-même ce que vous dites. Vous êtes sa gloire, si vous vivez dans le bien. Car sa gloire n’est pas dans la synagogue des Juifs, elle n’est pas dans les folies des païens, elle n’est pas dans les erreurs des hérétiques, elle n’est pas dans les applaudissements du théâtre. Vous cherchez où elle est? Jetez les yeux sur vous-mêmes, soyez-la vous-mêmes. Sa gloire est dans l’assemblée des saints. Sais-tu d’où vient ta joie quand tu chantes? Qu’Israël se réjouisse en celui qui l’a faite; et Israël ne trouve point d’autre joie qu’en Dieu.

      7. Interrogez-vous bien, mes frères; détruisez vos greniers intérieurs. Ouvrez les yeux, considérez votre capital d’amour, et augmentez ce que vous en aurez découvert. Veillez sur ce trésor afin d’être riches en vous-mêmes.

      On dit chers les biens qui ont un grand prix; et non par hasard. Remarquez bien cette expression: ceci est plus cher que cela. Que signifie « est plus cher »? N’est-ce pas: est d’un plus grand prix, quoi de plus cher que l’amour même (Mot à mot: Qu’est-ce qui est plus cher que la charité? Augustin joue l’origine commune des deux termes: carus, caritas), mes frères? Quel en est, à votre sens, le prix? Et comment le payer? Le prix du blé, c’est ta monnaie; le prix d’une terre, c’est ton argent; le prix d’une pierre, ton or; le prix de ton amour, c’est toi. Tu voudrais acheter un champ, une pierre, une bête de somme, et pour le payer, tu cherchez une terre, tu regardes autour de toi. Mais si tu désires posséder l’amour, ne cherche que toi-même, ne trouve que toi-même. Que crains-tu en te donnant? De te perdre? Mais c’est au contraire en te donnant que tu ne te perds pas. L’amour lui-même s’exprime dans la Sagesse et apaise d’un mot le désarroi où te jetait cette parole: « donne-toi toi-même ». Car si un homme voulait te vendre un champ, il te dirait: Donne-moi ton or; ou à propos d’un autre objet, donne-moi ta monnaie, donne-moi ton argent. Écoute ce que te dit par la bouche de la Sagesse, l’amour: « Mon enfant, donne-moi ton coeur » (Proverbes, 23, 26); Mon enfant, donne-moi, dit-elle. Quoi? Ton coeur. Il était mal, quand il était en toi, quand il était à toi; tu étais la proie de futilités, de passions impures et funestes. Otes-le de là. Où le porter? Où l’offrir? Donne-moi ton coeur! Qu’il soit à moi, et tu ne le perdras pas. Regarde: a-t-il voulu rien laisser en toi qui puisse te rendre encore cher à toi-même? « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, dit-il, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée »? (Matthieu, 22, 37). Que reste-t-il de ton coeur, par où tu puisses t’aimer? Que reste-t-il de ton âme? Et de ta pensée? De tout, dit-il. Il t’exige tout entier, celui qui t’a fait. Mais ne t’attriste pas, comme si toute joie était morte en toi. Qu’Israël se réjouisse, non en elle-même, mais en celui qui l’a faite.

      8. Mais, répondras-tu, s’il ne me reste rien pour m’aimer, puisque de tout mon coeur, de toute mon âme, et de toute ma pensée, je suis tenu d’aimer celui qui m’a fait, comment puis-je obéir au second commandement, qui m’enjoint d’aimer mon prochain comme moi-même? Mais c’est par là plus encore que tu dois aimer ton prochain de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. Comment? Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dieu de tout moi-même: mon prochain comme moi-même. Comment m’aimer? Comment t’aimer? Veux-tu savoir comment t’aimer? Ainsi t’aimes-tu: en aimant Dieu de tout toi-même. Crois-tu aider Dieu en l’aimant? A quoi lui sert l’amour que tu lui portes? Et si tu ne l’aimes pas, que perdra-t-il? C’est toi qui gagnes à l’aimer; tu seras là où tu ne peux mourir. Mais, diras-tu encore, quand ne me suis-je aimé? Non, non, tu ne t’aimais pas, quand tu n’aimais pas Dieu, qui t’a fait. Tu te haïssais, et tu croyais t’aimer! « Qui aime la violence, hait son âme! » (Psaumes, 11, 5).

      9. Adressons-nous à notre Seigneur, notre Dieu, notre Père tout-puissant, et d’un coeur pur, dans la mesure de notre petitesse, rendons-lui les plus grandes et les plus ardentes actions de grâces. Supplions de toute notre âme son incomparable bonté de bien vouloir accueillir nos prières, d’éloigner par sa puissance l’ennemi de nos actions et de nos pensées, d’augmenter notre foi, de diriger notre esprit, de lui inspirer des pensées spirituelles, et de nous conduire à sa joie! Par Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur, qui avec lui vit et règne dans l’unité de l’Esprit-Saint, Dieu, en tous les siècles des siècles. Amen.

Saint Augustin d’Hippone (+430)