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Le sacrifice sacerdotal* – Grégoire de Nazianze

Le sacrifice sacerdotal*
Grégoire de Nazianze (+389/390)

*Sermon 1 sur Pâques. Prononcé en 362, devant le père de Grégoire qui était évêque de Nazianze et avait fait construire l’église de cette ville. C’est lui qui avait poussé son fils à lui succéder dans son ministère.

      1. Jour de résurrection, heureux commencement! Célébrons, radieux, cette fête et donnons-nous le baiser de paix. Appelons « frères » ceux qui nous haïssent, et pas seulement les amis qui nous ont rendu service ou ont souffert pour nous. Pardonnons tout en l’honneur de la résurrection; oublions nos torts mutuels. Je vous pardonne, moi, la belle violence que vous m’avez faite (c’est maintenant que je la trouve belle!) et vous qui m’avez brusqué de si belle manière, pardonnez à mon retard. Vous m’en faites reproche: mais qui sait si Dieu ne le préfère pas à la hâte des autres? Ces quelques hésitations qu’à l’appel de Dieu marquèrent jadis le grand Moïse et plus tard Jérémie, valent bien la prompte obéissance d’Aaron et d’Isaïe! Il faut seulement que les deux attitudes soient inspirées par la piété. L’une émane du sentiment de notre faiblesse; l’autre de la puissance de celui qui nous appelle.

      2. Un mystère m’a oint. Et je ne me suis dérobé à ce mystère que le temps de m’examiner. Je reviens à vous, en plein mystère, amenant avec moi ce beau jour qui m’aide à vaincre mes scrupules et ma faiblesse; et j’espère que celui qui est aujourd’hui ressuscité d’entre les morts, me renouvellera en esprit, me revêtira de l’homme nouveau et donnera à sa nouvelle création (ceux qui sont nés en Dieu), un bon ouvrier et un bon maître, prêt à mourir et à ressusciter avec le Christ.

      3. Hier, on immolait l’agneau; on oignait de son sang les montants des portes; l’Égypte pleurait ses premiers-nés; l’Exterminateur nous épargnait, devant ce signe qu’il respectait et redoutait; un sang précieux nous protégeait. Aujourd’hui, purifiés, nous avons fui l’Égypte, le Pharaon, ce cruel souverain et ses impitoyables gouverneurs. Nous ne sommes plus condamnés au mortier et à la brique et nul ne nous empêchera de célébrer, en l’honneur du Seigneur notre dieu, le jour où nous sommes sortis d’Égypte, et de le célébrer non pas avec le vieux levain de la malice et de l’injustice, mais avec les azymes de pureté et de vérité, sans rien emporter de l’impie ferment d’Égypte.

      4. Hier, j’étais crucifié avec le Christ; aujourd’hui, je suis glorifié avec lui. Hier, je mourais avec le Christ; je revis aujourd’hui avec lui. Hier, j’étais enseveli avec le Christ; aujourd’hui, je sors avec lui du tombeau. Portons donc nos prémices à celui qui a souffert et qui est ressuscité pour nous. Croyez-vous que je parle ici d’or, d’argent, d’étoffes, de pierreries rares? Faibles biens de la terre! Ils ne sortent du sol que pour tomber presque toujours entre les mains de scélérats, esclaves d’ici-bas et du Prince du monde.

      Offrons donc nos propres personnes: c’est le présent le plus précieux aux yeux de Dieu et le plus proche de lui. Rendons à son image ce qui lui ressemble le plus. Reconnaissons notre grandeur, honorons notre modèle, comprenons la force de ce mystère, et les raisons de la mort du Christ.

      5. Soyons comme le Christ, puisque le Christ a été comme nous. Soyons des dieux pour lui, puisqu’il s’est fait homme pour nous. Il a pris le pire, pour nous donner le meilleur; il s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté; il a pris la condition de l’esclave, pour nous procurer la liberté; il s’est abaissé, pour nous exalter; il a été tenté, pour nous voir triompher; il s’est fait mépriser, pour nous couvrir de gloire. Il est mort, pour nous sauver. Il est monté au ciel pour nous attirer à lui, nous qui avions roulé dans l’abîme du péché.

      Donnons tout, offrons tout à celui qui s’est donné comme prix, comme rançon. Nous ne donnerons rien d’aussi grand que nous-mêmes, si nous avons compris ces mystères et sommes devenus pour lui tout ce qu’il est devenu pour nous.

      6. Il (Grégoire parle ici de son père) vous donne un pasteur, vous le voyez. Car tel est son espoir, son désir, et la grâce que ce bon berger demande à ceux qu’il tient sous sa houlette. Il donne sa vie pour ses brebis, et il se donne deux fois plutôt qu’une. De son bâton de vieillesse il fait un bâton de l’Esprit. Au temple inanimé il joint un temple vivant, et à ce temple magnifique et céleste il ajoute un autre temple, qui est peut-être médiocre, mais qui lui est cher et lui a coûté bien des efforts et de la peine! Puisse-ton dire qu’il en est digne!

      Il vous donne tout ce qu’il possède. Que de grandeur en lui, ou plutôt que de tendresse envers ses enfants! Il vous donne sa vieillesse, la jeunesse d’un fils, un temple, un prêtre, un testateur, un héritier, et les paroles que vous entendiez! Et ce ne sont pas des paroles vagues qui se dissipent en l’air et ne font que heurter l’oreille; non, l’Esprit les a écrites et il les grave sur des tables de pierre ou de chair, en trait non point légers et faciles à effacer, mais il les inscrit profondément sans encre, par la grâce.

      7. Tel est le don de ce vénérable Abraham, ce patriarche, ce chef noble et respectable, demeure de toutes les vertus, règle de la sainteté, perfection du sacerdoce; il offre aujourd’hui au Seigneur, en sacrifice volontaire, son fils unique, l’enfant de la promesse. Et vous, offrez à Dieu et à nous-mêmes une grande docilité lorsque nous vous mènerons paître,

                  parqués en des prés d’herbe fraîche,
                  menés vers les eaux du repos. (Psaume, 23, 2).

      Connaissez bien votre pasteur, faites-vous connaître de lui. Écoutez sa voix franche et nette à travers la porte, n’obéissez pas à l’étranger qui saute par-dessus la clôture comme un voleur et un traître. N’écoutez pas les voix inconnues qui tireraient subrepticement loin de la vérité et vous égareraient par les monts, les déserts, les ravins, et autres lieux que le Seigneur ne visite pas, et vous éloigneraient de la vraie foi, celle qui proclame que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’une même divinité, une même puissance. Cette voix-là, mes brebis l’ont toujours écoutée; puissent-elles l’écouter encore, au lieu de celle qui accumule mensonges et infamies, et nous fait perdre notre premier et véritable berger.

      Puissions-nous tous, bergers et troupeaux, paître et faire paître loin de ces herbes vénéneuses et fatales, et être tous un dans le Christ Jésus, aujourd’hui et dans les célestes séjours. A lui, la gloire et la puissance en tous les siècles.

      Amen.

Grégoire de Nazianze (+389/390)