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« Dieu, crée pour moi un coeur pur » (Ps 51, 12) – St Grégoire de Nysse

      Si, par un effort de vie parfaite, tu nettoies les scories de ton coeur, la beauté divine brillera de nouveau en toi. C’est ce qui arrive avec un morceau de métal, lorsque la meule le débarrasse de sa rouille. Auparavant il était noirci, et maintenant il brille et rayonne au soleil. De même l’homme intérieur, ce que le Seigneur appelle « le coeur », lorsqu’on aura enlevé les taches de rouille qui altéraient et détérioraient sa beauté, retrouvera la ressemblance de son modèle (Gn 1, 27), et il sera bon. Car ce qui devient semblable à la Bonté est nécessairement bon… Et ainsi celui qui a le coeur pur devient heureux (Mt 5, 8 ) parce que, en redécouvrant sa pureté, il découvre, à travers cette image, son origine. Ceux qui voient le soleil dans un miroir, même s’ils ne fixent pas le ciel, voient le soleil dans la lumière du miroir aussi bien que s’ils regardaient directement le disque solaire. De même vous, qui êtes trop faibles pour saisir la lumière, si vous vous tournez vers la grâce de l’image placée en vous dès le commencement, vous trouvez en vous-même ce que vous recherchez. En effet, la pureté, la paix de l’âme, l’éloignement de tout mal, voilà la divinité. Si tu possèdes tout cela, tu possèdes certainement Dieu…

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395) Père de l’Eglise



De commencement en commencement – St. Grégoire de Nysse

      Ce que nous découvrons chaque fois de la nature heureuse de Dieu est immense, mais ce qui dépasse le bien que nous atteignons chaque fois se déploie à l’infini; ainsi, la participation à ces biens étant sans fin, la croissance de ceux qui les partagent ne cesse jamais d’augmenter durant toute l’éternité des siècles.

      Ainsi le coeur pur voit Dieu, selon la parole véridique de notre Maître (cf. Mt 5, 8), mais il ne le reçoit dans son esprit qu’à proportion de sa capacité, dans la mesure de ce qu’il est capable de contenir: l’infinité et l’incompréhensibilité de Dieu demeurent donc toujours au-delà de toute saisie.

      Ce qui est chaque fois saisi est certes beaucoup plus grand que ce qui avait été saisi auparavant, mais, comme ce qui est cherché ne comporte pas en soi de limite, la fin d’une découverte devient le commencement de la découverte de biens plus hauts pour ceux qui s’y élèvent. Et celui qui s’élève ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement, et le commencement de biens toujours plus grands n’a jamais de fin. Jamais celui qui monte n’arrête son désir à ce qu’il connaît déjà; mais s’élevant successivement, par un autre désir à nouveau plus grand, à un autre supérieur encore, l’âme poursuit sa route vers l’infini à travers des ascensions toujours plus hautes.

S. Grégoire de Nysse (+394)



Né de nouveau – Grégoire de Nysse (+ vers 394)

Pour la fête des lumières (Sermon prononcé en 383, P. G., 46, 580)

      Il nous faut terminer avec les témoignages de l’Écriture. Notre discours se prolongerait sans fin si nous voulions tout énumérer pour le rassembler dans un seul livre. Vous tous qui vous glorifiez du don de la nouvelle naissance et êtes fiers de votre renouvellement et de votre salut, montrez-moi après cette grâce mystique le changement opéré dans vos mœurs; laissez-moi voir dans la pureté de votre vie combien vous vous êtes améliorés. Ce qui tombe sous le sens ne change pas, la forme du corps reste la même et dans la structure de la nature visible rien ne se modifie.

      Il nous faut nécessairement une preuve pour discerner l’homme nouveau, il nous faut des signes pour distinguer le nouveau du vieil homme. Ce sont, me semble-t-il, les mouvements libres de l’âme qui s’arrache elle-même à la vie passée pour adopter un nouveau style de vie, montrant clairement à ceux qui les fréquentent le changement opéré et que le passé ne laisse pas de trace.

      Voici en quoi consiste la transformation, si vous voulez bien me suivre et aligner votre conduite à mes paroles. Avant le baptême, l’homme était intempérant, avare, voleur, injurieux, menteur, calomniateur et tout ce qui s’en suit. A présent, il lui faut être réservé, satisfait de ce qu’il possède, prêt à le partager avec les pauvres, soucieux de la vérité, respectueux de tous et avenant, en un mot il doit pratiquer tout ce qui est bien. Comme la lumière chasse les ténèbres et la blancheur la noirceur, les œuvres de la justice chassent le vieil homme. Tu vois comment Zachée par son changement de vie a étouffé le publicain en lui: il a rendu le quadruple à ceux qu’il avait lésés; il a distribué aux pauvres ce que précédemment il leur extorquait.

      Un autre publicain, l’évangéliste Matthieu, collègue de Zachée, immédiatement après son élection a déposé sa vie passée comme un masque. Paul avait été un persécuteur, il devint par grâce apôtre et porta pour le Christ, en esprit d’expiation et de pénitence les chaînes injustes que jadis il avait reçues de la Loi pour poursuivre les disciples de l’Évangile.

      Voilà comment il doit se présenter la nouvelle naissance, s’extirper l’habitude du péché, voilà comment doivent vivre les fils de Dieu, car la grâce nous fait fils de Dieu. Il nous faut donc contempler exactement les qualités de notre Créateur de manière à nous modeler sur notre Père pour devenir les fils véritables et légitimes de celui qui par grâce nous a appelés à l’adoption. Un fils dénaturé et déchu qui, dans sa conduite, trompe la noblesse de son père est un reproche vivant. Voilà pourquoi, me semble-t-il, le Seigneur dans l’Évangile en traçant notre ligne de conduite dit à ses disciples: « Faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous blessent et vous persécutent, afin que vous soyez les fils de votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons, et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes » (Matthieu, 5, 44-45). Vous serez des fils, dit-il, si vous partagez la bonté du Père, en exprimant dans votre comportement et vos disposition à l’endroit de vos proches la bonté de Dieu.

      Voilà pourquoi, une fois revêtus de la dignité de fils, le démon nous assiège plus durement, car il crève de jalousie quand il voit la beauté de l’homme nouveau qui s’achemine vers la cité céleste dont il a été chassé. Il allume en vous de terribles tentations et s’efforce de vous dépouiller de votre seconde parure, comme il l’avait fait pour la première fois. Lorsque nous remarquons ses incursions, il nous faut redire la parole de l’Apôtre: « Nous tous qui avons été baptisés, nous avons été baptisés en sa mort » (Romains, 6, 3.).

      Si donc nous sommes morts, le péché est mort pour nous, il a été percé par la lance comme Phinéas dans son zèle l’avait fait pour le débauché. Va-t’en donc, misérable, tu veux dépouiller un mort qui t’avais suivi autrefois, à qui les voluptés passées avaient fait perdre le sens. Un mort n’a aucun attrait pour son corps, un mort n’est pas séduit par les richesses, un mort ne calomnie pas, un mort ne ment pas, ne dérobe pas ce qui ne lui appartient pas, ne méprise pas ceux qu’il rencontre.

      J’ai changé de style de vie. J’ai appris à mépriser le monde, à faire fi des biens terrestres et à rechercher les biens d’en-haut. Paul l’a dit: Le monde lui est crucifié, et lui au monde (Galates, 6, 14). Voilà le discours de l’âme régénérée en vérité, voilà comment s’exprime l’homme nouveau qui se souvient de la profession de foi qu’il a faite à Dieu en accueillant le mystère, où il a promis de mépriser toute peine et tout plaisir par amour pour lui.

      Voilà qui suffit pour commémorer la festivité que le cycle de l’année nous propose. Il convient de terminer notre discours par celui qui nous fait ce don pour lui apporter en échange un modeste tribut pour tant de bienfaits.

      Tu es, en vérité, Seigneur, une source sans cesse jaillissante de bonté, toi qui nous as rejetés dans ta justice et qui as eu pitié dans ta bienveillance. Tu nous as haïs et tu est réconcilié avec nous, tu nous as maudis et tu nous as bénis; tu nous as chassés du paradis et tu nous y as ramenés; tu nous as revêtus de modestes feuilles de figuier, l’habit de notre misère, et tu nous as jeté sur les épaules le manteau de parure; tu as ouvert la prison et libéré les condamnés, tu nous as aspergés d’eau pure et lavés de nos souillures. Désormais Adam n’aura plus à rougir si tu l’appelles, il n’aura plus à se cacher dans le taillis du paradis sous le poids de sa conscience. L’épée de feu ne fermera plus l’entrée du paradis pour empêcher d’entrer ceux qui s’approchent. Tout est changé en joie pour les héritiers du péché, le paradis et le ciel sont désormais ouverts à l’homme. La création terrestre et supra-terrestre autrefois divisées se sont unies dans l’amitié; nous, les hommes, nous sommes accordés avec les anges et communion dans une même connaissance de Dieu.

      Pour ces raisons, chantons à Dieu le chant d’allégresse que des lèvres inspirées ont proféré un jour:

                  Mon âme exultera à cause du Seigneur
                  car il m’a revêtu des vêtements du salut,
                  comme l’époux coiffe un turban,
                  comme la mariée se pare de ses atours. (Isaïe, 61, 10).

      Celui qui parle l’épouse est naturellement le Christ, qui est, qui était, qui sera, il est béni maintenant et dans les siècles. Amen.

Grégoire de Nysse (+ vers 394)