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Que notre prière soit publique et communautaire – Cyprien de Carthage

Que notre prière soit publique et communautaire*
Cyprien de Carthage

*De l’oraison dominicale, 8-9.

Et d’abord le maître de la paix et de l’unité n’a pas voulu que nous priions individuellement et à part, afin que celui qui prie ne prie pas uniquement pour lui. Nous ne disons pas: Mon Père qui es dans le ciel ni: donne-moi mon pain quotidien. Et chacun ne prie pas uniquement pour soi que Dieu lui remette sa dette; ou qu’il ne le soumette pas à la tentation et qu’il le délivre du mal.

Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, nous ne prions pas pour un seul mais pour tout le peuple, car avec tout le peuple nous sommes un. Le Dieu de la paix et le maître de la concorde, qui nous enseigne l’unité, a voulu que chacun prie pour tous comme lui-même nous a tous portés en un.

Les trois jeunes gens dans la fournaise ont observé cette loi de la prière, ils étaient unis dans la prière et ne faisaient qu’un cœur. L’Écriture en témoigne et, nous renseignant sur leur façon de prier, elle nous donne un exemple à imiter dans notre prière, afin de pouvoir leur ressembler. Alors, dit-elle, ces trois comme d’une seule bouche chantaient et bénissaient Dieu (Daniel, 3, 51).

Ils parlaient comme d’une seule bouche, et pourtant le Christ ne leur avait pas encore appris à prier. Leur supplication fut puissante et efficace, parce qu’une prière paisible, simple et spirituelle oblige Dieu. Tous, est-il dit, « d’un même cœur persévéraient dans la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes, 1, 14). D’un même cœur ils persévéraient dans la prière, ce qui manifeste à la fois leur ardeur et leur unité. Car Dieu, qui rassemble dans sa maison ceux qui ont un même cœur, n’admet dans ses demeures divines et éternelles que ceux qui prient en communion, les uns avec les autres.

Nous disons « Père »
Parce que nous sommes devenus fils.

Combien nombreuses et grandes sont les richesses de la prière du Seigneur. Elles sont ramassées en peu de mots mais d’une intensité spirituelle inépuisable, au point que rien n’y manque dans ce résumé de la doctrine céleste de ce qui doit constituer notre prière. Il est dit: « Priez ainsi: Notre Père qui es dans les cieux. »

L’homme nouveau, qui est re-né et rendu à son Dieu par la grâce, dit d’abord: Père, parce qu’il est devenu fils. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu, à ceux qui croient en son nom. » (Jean, 1, 12). Celui qui a cru en son nom et qui est devenu fils de Dieu doit commencer par rendre grâces et professer qu’il est fils de Dieu. Et quand il appelle Père le Dieu dans les cieux, il atteste par là même qu’il renonce au père terrestre et charnel de sa première naissance, pour ne plus connaître qu’un seul Père qui est dans les cieux. Il est écrit en effet: « Ceux qui disent à père et mère, je ne te connais pas, et ne reconnaissent pas leurs enfants, ceux-là ont observé ta parole, et ont gardé ton alliance. » (Deutéronome, 33, 9).
Le Seigneur de même nous enjoint dans l’Évangile de n’appeler personne sur terre notre père, puisque nous n’avons qu’un père qui est dans les cieux. Au disciple qui fait mention de son père défunt, il répond: « Laisse les morts enterrer leurs morts. » (Matthieu, 8, 22). Le Disciple parlait d’un père défunt, alors que le Père des croyants est vivant.

Cyprien de Carthage (+vers 258)



POUR LA PRATIQUE FRÉQUENTE DE L’ORAISON DEVANT LE TRÈS-SAINT-SACREMENT

EXHORTATION

AUX COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES,

POUR LA PRATIQUE FRÉQUENTE DE L’ORAISON DEVANT LE
TRÈS-SAINT-SACREMENT

L’oraison en présence de Jésus-Christ, au St.-Sacrement de l’autel, est, après la sainte communion, la dévotion la plus agréable à Dieu, entre toutes, en en même temps la plus profitable pour nos âmes. Car bien que le Seigneur soit prêt en tous lieux à exaucer celui qui le prie, néanmoins, de sa demeure au St-Sacrement, il répand plus abondamment ses grâces, puisqu’il ne daigne rester ainsi jour et nuit dans nos église, que pour cette fin spéciale de consoler tous ceux qui viennent l’y visiter et lui exposer leurs besoins. Ce serait donc une chose bien ordonnée que, dans toutes les communautés religieuses qui ne sont composées que de personnes consacrées à Jésus-Christ, il y en eût toujours deux ou au moins une désignées pour rester alternativement pendant une heure, en compagnie de Jésus au Saint-Sacrement, et qu’ainsi, l’une succédant à l’autre, il se continuât une assistance d’honneur à Jésus-Christ sur l’autel. Je pense bien que cela ne peut avoir lieu dans toutes les communautés; mais on le peut faire dans celles qui sont nombreuses, et dans lesquelles règne l’esprit de l’observance et du progrès vers la perfection. Et de fait, dans plusieurs communautés d’hommes et de femmes, même dans ce royaume, on voit établie cette bonne dévotion. Le B. François Caracciolo, fondateur des Clercs Réguliers Mineurs, a ordonné, dans ses règles, que les pères de son ordre, observaient cette excellente pratique de l’adoration perpétuelle et non interrompue au Saint-Sacrement, et il me revient encore que dans deux monastères de femmes dans la Calabre, à Castrovillari et à Rossano, cette sainte observance se pratique aussi.

Il est certain que si, dans toute la terre, il n’y avait eu qu’une seule église où Jésus-Christ fût présent sur l’autel, elle serait nuit et jour remplie de fidèles, occupés à témoigner leur vénération à notre Sauveur, qui daigne ainsi, par amour pour nous, se tenir continuellement près de nous sous les espèces du pain. Mais parce qu’il a voulu se rendre présent dans tant d’Églises diverses, pour être plus à la portée de tous ceux qui le cherchent et qui l’aiment; par cela même, il arrive que notre ingratitude redouble, et dans beaucoup d’Églises il reste seul la majeure partie de la journée. Mais si les séculiers se permettent cet abandon, au moins les religieux devraient-ils le visiter continuellement, eux qui sont les privilégiés de sa cour. A la cour des monarques, il ne manque jamais d’y avoir à leur suite une foule d’assistants, principalement de ceux qui ont leur logement dans le palais du prince. Et ce dernier cas est celui des religieux demeurant dans les monastères. Ils ont ainsi l’honneur d’habiter dans le palais qu’occupe ici-bas le roi des Cieux. Mais cela même excitait la douleur du P. Balthasar Alvarez, lorsqu’il considérait que les palais des princes étaient constamment pleins d’une foule de courtisans tandis que les Églises où Jésus-Christ est présent étaient abandonnées et désertes. Ce n’est point ainsi qu’en agissent les saints. Leur coeur plein d’amour pour Jésus-Christ les conduit aussi souvent qu’il leur est possible à visiter et assister ce roi des rois aux autels où il daigne se montrer. St. J.-François-Régis, trouvant l’Église fermée pendant la nuit, s’agenouillait à la porte, et restait là en prières, jusqu’à-ce qu’elle fût ouverte. Le saint roi Vinceslas allait la nuit, même sur la neige, visiter toutes les Églises où était exposé le Saint-Sacrement.

Venons à la pratique de cette dévotion que j’indique. Le moyen d’y parvenir sans grande difficulté serait celui-ci: On assignerait, pour chaque jour, une heure d’adoration au St. Sacrement à tout religieux ou religieuse, suivant son ancienneté (exceptant toutefois les infirmes:) L’adoration serait continuée pendant la nuit, et alors la personne en prière, quand son heure serait achevée, irait avertir celle qui devrait la remplacer.

Voilà certainement ce que désirerait celui que son zèle porterait à provoquer l’établissement de l’adoration au St.-Sacrement. Mais comme on ne pourrait exiger de toutes les communautés un pareil exercice de cette dévotion, et parce que, dans le désir de la continuer, il ne faudrait pas aller jusqu’à manquer à ses devoirs particuliers et à l’observance des règles, on pense, pour en faciliter la pratique, pouvoir dire que dans les monastères où l’assistance au St.-Sacrement ne saurait avoir lieu de jour et de nuit, elle doit se faire au moins pendant les douze heures de jour, (chose assez facile, ) et que, suspendant cet exercice pendant les heures de nuit, il soit, pour les douze de la journée, désigné douze religieuses, dont chacune à son tour, pendant une heure, tiendrait compagnie au St.-Sacrement. Que si la religieuse désignée se trouvait empêchée par son emploi dans le monastère, ou pour l’accomplissement de la règle, son heure pourrait être assignés à une autre que rien n’empêcherait et qui voudrait y vaquer. En parvenant ainsi à régler l’exercice de cette dévotion, combien ne se rendrait-on pas agréable à Jésus au Sacrement.

Ayant ainsi levé tout obstacle et toute difficulté qui pouvait se rencontrer, il y a lieu d’espérer que cette exhortation ne restera pas inutile; et que son objet sera adopté avec empressement, au moins par ces communautés nombreuses et régulières, où fleurit la dévotion au Saint-Sacrement. Dans cette vue, je recommande de nouveau, en finissant, ce saint exercice de l’oraison perpétuelle, au moins pendant les douze heures du jour devant Jésus au Sacrement, à tous les supérieurs et supérieures qui pourront l’établir, pour le mérite qu’ils en retireront devant Dieu, qui se plaît tant à l’assistance et à l’hommage rendu à son fils, demeurant au St.-Sacrement de l’autel.

St Alphonse de Ligori