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Si cela dépendait de lui seul… St Jean Chrysostome

      Quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder (Mt 20, 23). Le Christ montre que ce n’est pas à lui seul d’accorder, mais aux combattants de conquérir. Si cela dépendait de lui seul, tous les hommes seraient sauvés et parviendraient à la connaissance de la vérité; si cela dépendait de lui seul, il n’y aurait pas de récompenses différentes, car il a créé tous les hommes et prend soin de tous également.

      Comme Jacques et Jean jouissaient d’une grande amitié et d’une grande liberté de parole, ils croyaient qu’ils seraient mieux traités que les autres, mais pour qu’en imaginant cela ils ne tombent pas dans la négligence, il les détourne de cette idée en leur disant: Ce n’est pas à moi de vous l’accorder, c’est vous, si vous le voulez, qui devez le conquérir et cela pour que vous montriez plus d’ardeur, que vous fassiez plus d’effort, que vous ayez beaucoup de zèle; c’est en effet selon les actes que je donne les couronnes, selon les efforts, les honneurs, selon la peine, les récompenses; pour moi, la meilleure recommandation auprès de moi, c’est la preuve par les actes.

St Jean CHRYSOSTOME (+407)
Père de l’Église, archevêque de Constantinople



Méditation autour du « Notre Père »

Méditation autour du « Notre Père » avec la Communauté Saint-Martin

La Communauté Saint-Martin

La Communauté Saint-Martin est une association de prêtres et de diacres séculiers au service de l’Église, vivant leur apostolat en commun. Elle répond aux besoins des évêques désireux de leur confier des missions apostoliques variées: paroisses, sanctuaires, aumôneries de collèges et d’internat, maisons de retraites… www.communautesaintmartin.org

Notre Père qui es aux cieux

Méditation

Dieu est « Père »: il est une vraie personne en relation avec nous. Être père signifie être proche. Du coup, dire qu’il est « aux cieux » signifie non pas que Dieu est par-delà les nuages mais que le ciel se trouve partout où l’amour de Dieu est présent. Et même seul dans une chambre fermée, le chrétien ne dit pas « Mon Père », mais « Notre Père », car il a conscience que c’est ensemble et dans le Christ que tous les baptisés sont enfants du même Père.

Par le baptême, nous avons reçu l’Esprit qui fait de nous des fils adoptifs et par lequel nous crions: « Abba, Père! ».

Que ton nom soit sanctifié

Méditation

Dieu veut avoir un Nom, car il ne veut pas rester incognito: il révèle son Nom pour que nous puissions nous adresser à lui. Ce cadeau demande à être honoré, nous sanctifions son Nom en l’adorant. Et en retour l’adoration nous sanctifie. La sainteté des enfants manifeste celle du Père: « Soyez saints parce que moi je suis saint » (Lv 11, 44).

Portons dignement notre nom de chrétien et montrons à nos frères la sainteté de Dieu en adorant chaque jour Notre Père.

Que ton règne vienne

Méditation

Nous appelons le règne de Dieu, qui n’est pas une domination, mais le rayonnement de son Coeur de Père. Le règne de Dieu c’est la vie, l’amour, la paix et la joie de Dieu répandus dans nos coeurs. C’est ce en quoi consiste la Bonne Nouvelle apportée par le Christ. Ce règne nous ne pouvons que l’appeler chaque jour et pour toujours: vouloir tout ce que Dieu veut, le vouloir toujours et en toutes circonstances, c’est le règne de Dieu tout au fond de nous. il sera définitivement présent à la fin des temps avec le retour du Christ. C’est notre espérance: viens Seigneur Jésus!

Que ta volonté soit faite

Méditation

Souvent nous demandons au Seigneur: que ma volonté soit faite! Or, Dieu veut infiniment plus et infiniment mieux pour nous que ce que nous pouvons désirer par nos propres forces. S’ouvrir à la volonté de Dieu c’est donc le laisser agir dans notre vie. Car, même s’il est tout-puissant, il a voulu avoir besoin de notre « oui ». Alors il fait des merveilles comme dans la vie de la Vierge Marie, elle qui a dit: « Qu’il me soit fait selon ta parole. »

Mettons notre confiance dans la volonté du Seigneur, qui n’est jamais contre nous, mais qui veut toujours notre plus grand bien!

Sur la terre comme au ciel

Méditation

Tout vient de Dieu. Il a tout créé au ciel et sur la terre. En demandant que sa volonté soit faite partout, nous désirons que rien n’échappe à son amour, qu’il soit tout en tous. En effet, nous peinons à comprendre sa volonté et nous y opposons souvent nos propres projets, nos souhaits et nos idées. Alors la terre ne peut pas devenir le ciel. Et si la terre n’est pas orientée vers le ciel, elle devient un enfer, c’est-à-dire un lieu où est exclu l’amour de Dieu.

Seigneur, fais qu’aucun lieu de cette terre n’échappe à ton amour, et surtout pas mon propre coeur!

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »

Méditation

Dieu est pour nous un père qui pourvoit à nos besoins les plus fondamentaux: c’est la Providence. Ce pain de chaque jour c’est lui-même qui se donne à nous: l’Eucharistie, vrai Pain de vie, sa Parole, son Église, ses sacrements, sa grâce. Or, si Dieu nous donne, c’est pour que nous donnions à notre tour: nous devons être la Providence de Dieu pour nos frères.

Seigneur, apprends-nous à chercher d’abord le Royaume de Dieu, à recevoir tout par surcroît, et à donner gratuitement à ceux qui attendent de nous!

Pardonne-nous nos offenses

Méditation

L’amour de Dieu pour nous est absolu, unique et sans condition. Aucun péché ne pourra jamais empêcher Dieu de nous aimer, alors même que pécher c’est offenser son amour. Dieu n’attend que notre repentir pour déverser son coeur dans le nôtre en nous offrant sa miséricorde. nous sommes alors purifiés de nos péchés, renouvelés au plus profond de notre âme et rendus capables d’aimer et d’aimer comme Jésus.


Seigneur, donne-nous le désir fréquent de nous confesser: que nous puissions vivre de ta miséricorde et en être les témoins auprès de ceux qui doutent de ton amour!

Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

Méditation

Si quelqu’un dit: « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur: « Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). Qui sommes-nous pour ne pas pardonner à ceux qui nous ont offensés? Sommes-nous plus grands que Dieu, nous qui ne pourrions pas vivre sans sa miséricorde? En effet, quand nous faisons l’expérience du pardon de Dieu, qui nous a aimés le premier, nous sommes rendus capables d’être miséricordieux envers nos frères.

Seigneur, fais-nous la grâce d’aimer pardonner inlassablement à nos frères par amour de toi!

Et ne nous soumets pas à la tentation

Méditation

Satan est l’ennemi de Dieu et donc aussi le nôtre. Il veut nous faire chuter pour faire échec à l’amour de DIeu: c’est la tentation. Jésus à subi ces tentations et les a surmontées. Nous partageons la victoire du Christ lorsque nous ne succombons pas aux tentations: orgueil, mensonge, égoïsme, impureté et vie sans Dieu. Et si nous sommes exposés à la tentation, c’est que Dieu le permet pour nous faire grandir dans l’humilité, la liberté et la sainteté.

Seigneur, donne-nous la force de te choisir et de te rechoisir sans cesse, sûrs que nous ne serons jamais tentés au-delà de nos forces!

Mais délivre-nous du mal

Méditation

Le mal désigne tout ce qui nous détourne de Dieu et détruit peu à peu notre ressemblance à Dieu. Ayant été créés libres, le mal nous rend esclaves. Demander d’être délivrés du mal, c’est reconnaître que nous ne pouvons pas nous en libérer nous-mêmes: nous avons besoin du salut de Dieu donné en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous.

Seigneur, apprends-nous à discerner le bien du mal, et fais grandir en nous le désir de ton salut

Par notre Amen, donne-nous de confirmer notre foi en toi et notre adhésion à ton amour!

 

Sur le chemin de la Sainteté – Origène

      Il n’est pas vrai, comme certains le pensent, que, dès qu’on devient un saint, on ne puisse pus pécher et qu’on doive, du coup, être considéré comme exempt de péché. Si le saint ne péchait pas, il ne serait pas écrit: Vous prendrez les péchés des saints (Nb 18, 1).

      On appelle saints, – et ce sont aussi des pécheurs – ceux qui se sont consacrés à Dieu et ont soustrait leur vie à l’état commun pour le service du Seigneur.

      Mais il peut arriver que, dans le service même du Seigneur, [le saint] ne se conduise pas en tout comme il le devrait, qu’il se relâche en quelque occasions et qu’il pèche.

      Or celui qui se sépare et se soustrait aux autres activités pour cultiver une science, par exemple la médecine ou la philosophie, ne devient pas, dès qu’il aborde ces disciplines, parfait au point de ne pas commettre d’erreur; bien plutôt, c’est en se trompant maintes et maintes fois qu’il parviendra à grand-peine, un jour, à la perfection; pourtant, dès qu’il s’est adonné à ces études, on le compte sans hésiter au nombre des médecins ou des philosophes.

      Il en va de même pour les saints; à partir du moment où quelqu’un s’engage dans les études de la sainteté, on doit l’appeler saint du fait qu’il s’est proposé de le devenir. Mais comme il commettra nécessairement des fautes en maintes occasions, jusqu’à ce que l’exercice, l’étude et le zèle aient, en lui, retranché l’habitude du péché, on l’appellera aussi un pécheur.

Origène (+ v.254) Père de l’Église



Ecouter le Christ et le suivre – Jean-Paul II

      Aux jeunes, pour les JMJ de 2005 à Cologne (écrit le 6 août 2004) – Extrait.

      Ecouter le Christ et l’adorer conduit à faire des choix courageux, à prendre des décisions parfois héroïques. Jésus est exigeant car il veut notre bonheur authentique. Il appelle certains à tout quitter pour le suivre dans la vie sacerdotale ou consacrée. Que ceux qui entendent cette invitation n’aient pas peur de lui répondre ’oui’ et qu’ils se mettent généreusement à sa suite. Mais, en dehors des vocations particulières de consécration, il y a la vocation propre de tout baptisé : elle aussi est une vocation à ce « haut degré » de la vie chrétienne ordinaire qui s’exprime dans la sainteté (cf. Novo millennio ineunte, 31). Lorsqu’on rencontre le Christ et que l’on accueille son Évangile, la vie change et l’on est conduit à communiquer aux autres sa propre expérience.

      Tant de nos contemporains ne connaissent pas encore l’amour de Dieu ou cherchent à remplir leur cœur de succédanés insignifiants. Il est donc urgent d’être des témoins de l’amour contemplé dans le Christ. L’invitation à participer à la Journée Mondiale de la Jeunesse s’adresse également à vous, chers amis qui n’êtes pas baptisés ou qui ne vous reconnaissez pas dans l’Église. N’avez-vous pas, vous aussi, soif d’Absolu ? N’êtes-vous pas en quête de « quelque chose » qui donne sens à votre existence ? Tournez-vous vers le Christ et vous ne serez pas déçus.

Jean-Paul II (+2005)



Procession de la Fête-Dieu

Procession de la Fête-Dieu à Gomelange
célébrée par le Père Robert Gurtner

      Procession de la Fête-Dieu à Gomelange; Communauté de paroisses St Wendlin au pays de Nied.

      C’est sous un beau soleil que le Père Robert Gurtner dont c’était le 18è anniversaire de son ordination a célébré cette procession. Prières et chants ont résonné tout au long du parcours. Après la procession, le Père Robert Gurtner explique le sens que revêt cette démarche.



PENTECÔTE – Abbé Bernard Scher

      La PENTECÔTE que nous célébrons aujourd’hui (comme tous les ans, 50 jours après Pâques), est la fête de l’ouverture de l’Église au monde entier. Vous vous souvenez: dans l’Ancien Testament, on raconte l’épisode de «la tour de Babel», où les gens parlaient des langues différentes et ne pouvaient plus se comprendre, donc plus travailler ensemble. Le Pentecôte est le contraire de cet événement. Pou remplir sa mission de témoigner de l’Évangile, l’Église doit se faire entendre et se faire comprendre sur la terre entière, dans toutes les langues, dans toutes les cultures et dans toutes les situations; le message porté par Jésus doit être mêlé intimement à l’existence de tous les hommes. C’est pour cela que, 2000 ans après, il est toujours d’actualité. Et cet événement qu’ont vécu les apôtres, il y a bien longtemps, est encore un modèle pour nous aujourd’hui.

      Après le départ de Jésus, les apôtres n’étaient pas fiers du tout; certes il fallait bien que cette petite poignée d’hommes et de femmes tiennent ensemble après tout ce qu’ils avaient vécu avec Lui. Et puis, Il leur a promis de ne pas les laisser seul: «Le Père vous donnera un autre Défenseur, qui sera toujours avec vous, l’Esprit de vérité.» Ils ne savaient certainement pas de quoi il s’agissait, mais ils Lui ont fait entièrement confiance. C’est pourquoi ils attendaient réunis tous ensemble. Après l’irruption de ce vent violent et l’apparition des langues de feu, eux, qui étaient paralysés par la peur, ouvrent tout grand les portes et les fenêtres. Ils sortent pour dire à ces gens venus de partout, ce qu’ils ont vécu avec Jésus.

      C’est avec ce coup de vent mystérieux qu’une nouvelle ère a commencé: cette Église que nous formons encore aujourd’hui est née ce jour-là, grâce aux apôtres qui sont allés annoncer la Bonne Nouvelle de par le monde entier.

      Cet Esprit n’est pas forcément dans les gesticulations spectaculaires, ni dans les prétendus guérisons et discours en langues incompréhensibles. Il ne se révèle pas à travers les ors et les richesses d’une Église qui, heureusement, a perdu son pouvoir matériel. Il est dans les apôtres et les saints de tous les temps; il agit dans les familles, dans les groupes, unis par la tendresse, l’entraide, le dévouement et l’amour vrai. Il souffle dans l’humble vie de tous les jours où d’innombrables femmes, hommes, jeunes et enfants manifestent quotidiennement leur amour pour les autres, dans un accueil et un service authentiques.

      Et je crois fermement qu’il agit en nous, chaque fois que nous faisons un pas vers les autres, à tous ces moments où nous nous efforçons de vivre sérieusement la Parole du Seigneur. C’est à travers des gestes tout simples de notre vie quotidienne que nous construirons, petit à petit, le Royaume de Dieu sur terre, poussés par l’Esprit Saint.

      Comme chrétiens nous n’avons pas le droit de nous décourager, car nous savons que l’Esprit est toujours à l’œuvre dans nos vies et dans le monde. Même si, parfois, nous avons l’impression que tout est perdu, surtout à ces moments où nous baissons les bras, efforçons-nous de découvrir les petites étincelles d’espérance, d’amour, de joie que l’Esprit-Saint ne cesse d’allumer autour de nous. Comme les apôtres, portons-le, avec enthousiasme à nos frères et sœurs, surtout à ceux et celles qui en ont le plus besoin et célébrons-le avec joie dans cette Eucharistie de la Pentecôte. AMEN

Abbé Bernard Scher
Communauté de paroisses St Benoît de Bouzonville



Dans la compagnie des saints – Jean-Paul II

      Dans une attitude de profonde adoration pour la Très Sainte Trinité, nous nous unissons à tous les saints qui célèbrent éternellement la liturgie céleste pour répéter avec eux l’action de grâce à notre Dieu, pour les merveilles qu’il a accomplies dans l’histoire du salut.

      Louange et action de grâces à Dieu pour avoir suscité dans l’Église une multitude immense de saints, que personne ne peut compter (cf. Ap 7, 9). Une multitude immense: non seulement les saints et les bienheureux que nous fêtons au cours de l’année liturgique, mais également les saints anonymes, que lui seul connaît. Des mères et des pères de famille qui, en se dévouant quotidiennement à leurs enfants, ont contribué de façon efficace à la croissance de l’Église et à l’édification de la société; des prêtres, des soeurs et des laïcs qui, comme des cierges allumés devant l’autel du Seigneur, se sont consumés dans le service envers leur prochain qui avait besoin d’aide matérielle et spirituelle; des missionnaires, hommes et femmes, qui ont tout quitté pour apporter l’annonce évangélique dans toutes les parties du monde. Et la liste pourrait se poursuivre encore.

Jean-Paul II      



PREMIER SERMON. Incertitude et brièveté de la vie. (Saint Bernard de Clairvaux)

1. C’est une pensée bien vraie, mes frères, que  » la vie de l’homme sur la terre est une tentation (Job VII, 1).  » En effet, elle est incertaine et nous trompe de bien des manières, car, pour tromper (a) les hommes de plus de manières, elle change de figure et de voix. Tantôt elle dit oui, tantôt elle dit non sans rougir. Elle parle aux uns d’une manière et aux antres d’une autre sur sa propre longueur, que dis-je, souvent aux mêmes hommes, elle tient un langage différent et opposé , selon la diversité du temps. Tantôt elle se plaint de sa propre brièveté, et tantôt elle feint d’être plus longue qu’elle n’est. Quand le péché plait encore, elle gémit profondément sur sa brièveté. Cette brièveté n’est que trop réelle, mais ses gémissements, tombent à faux, car ce qu’elle constate devrait plutôt la remplir de joie que de douleur. En effet, il serait désirable pour elle, si elle persévère dans ses mauvais errements, que la nécessité mît fin à ses crimes, puisque la volonté ne peut le faire. Il vaut mieux mourir promptement de la mort du corps, quand on meurt toujours de celle de l’âme, il aurait même été préférable pour celui qui vit ainsi qu’il ne fût pas né. La pensée de la brièveté de la vie devrait être pour nous plutôt un remède qu’une excitation au péché, selon cette parole de l’Écriture :  » Souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez jamais (Eccli. VII, 40).  » Mais si le péché a si bien établi son règne eu vous, ou plutôt si vous vous plaisez tellement dans la servitude du péché, que vous gémissiez de ne pouvoir pas en être assez longtemps l’esclave, et que vous aimiez la voie large où vous courez au point de vouloir aussi la faire longue autant qu’il serait en vous, sachez gîte soit que vous le vouliez, soit que vous ne le vouliez pas, le terme n’en est pas éloigné ; mais vous, vous êtes bien loin du royaume de Pieu , et vous conviendrez que vous avez fait une étroite alliance avec la mort et un pacte avec l’enfer.

2. Le Prophète a dit :  » Ils ont erré dans la solitude, dans des lieux où il n’y avait point d’eau, et ils n’ont point trouvé de route qui les

(a – Ce passage et les suivants, sont cités dans le livre VI, chapitre 30 des Fleurs de saint Bernard, ainsi que ces mots:  » Est-il versé dans les lettres, il ne veut point d’associé, etc.  » Voir même livre, chapitre premier.)

conduisît dans une ville où ils pussent habiter (Psal. CVI, 4).  » Cette solitude est la solitude de l’orgueil, car les orgueilleux se regardent comme étant seuls, et ne désirent qu’une chose, passer pour uniques. Est-il versé dans les lettres, il ne veut point d’associé. Est-il habile dans lés affaires du monde, il veut être sans pareil. S’il a de la fortune, il souffre d’en voir d’autres en acquérir aussi. Est-il fort, bien fait, ne lui montrez pas son semblable, il en sècherait de dépit. Il va seul, mais il marche dans une voie erronée, il s’égare dans sa solitude, on ne peut habiter seul sur la terre. Il ne faut pas s’étonner que le Prophète ait ajouté, en parlant de cette solitude, que c’est un lieu sans eau, en disant :  » dans la solitude, dans des lieux où il n’y a point d’eau.  » C’est que, de même que l’eau manque ordinairement dans les solitudes et que les lieux déserts sont le plus souvent arides et stériles, ainsi ne trouve-t-on que l’impénitence là où est l’orgueil. Le coeur qui s’enfle est dur, sans piété, sans componction, et privé de toute rosée de la grâce spirituelle, car  » Dieu résiste aux superbes, et ne donne sa grâce qu’aux humbles (Jac. IV, 6). Il fait jaillir ses sources dans les vallées, et couler ses eaux entre les montagnes (Psal. CIII, 11), comme dit le Prophète. Voilà ce qui faisait dire ailleurs au Psalmiste, en gémissant de son propre état . « Mon âme est devant vous comme une terre sans eau (Psalm. CXLVII, 6).  » Le manque d’eau rend un endroit, non-seulement aride, mais sordide, puisqu’il n’y a aucun moyen de le purifier, aussi un coeur d’homme qui ne connaît point les larmes, est nécessairement dur, ce n’est pas assez, est impur.  » Je laverai ma couche toutes les nuits (Psal. VI, 7),  » dit le Prophète, pour effacer les souillures de ma conscience,  » j’arroserai mon lit de mes larmes,  » de peur de voir s’accomplir en moi ce qui a été écrit de la semence qui est tombée sur la pierre,. et qui se dessécha après avoir, poussé, parce qu’elle manquait d’humidité.

3. « Ils ont donc erré dans la solitude, dans des lieux où il n’y avait point d’eau, et ils ne trouvèrent point de route qui les conduisît dans une ville où ils pussent habiter. » Oui, ils ont erré, non point dans une voie, mais hors de toute voie frayée, car une voie large n’est point une voie. Ce qui est le propre d’une voie est d’être droite, la largeur appartient aux plaines bien plutôt qu’aux chemins. Être seul dans un chemin, c’est avoir un chemin large, mais là où il n’y a point de route tracée tout est chemin. Telle est la vie qui est exposée aux vices, elle s’étend, à droite et à gauche, dans de très-grands espaces, attendu qu’elle n’a point de bornes. D’ailleurs on ne saurait lui donner proprement le nom de vie, puisqu’elle n’aboutit qu’à la mort, selon cette parole de l’Apôtre :  » Si vous vivez selon la chair, notre vie est une mort (Rom. VIII, 13).  » De même, une voie qui procède par circuits, d’est pas proprement une voie, c’est celle des impies, selon ce mot du Psalmiste :  » Les impies avancent par circuit (Psal. XI, 9).  » Leur voie est la voie spacieuse qu’aucune borne ne renferme, c’est la vôtre où il n’y a plus ni loi, ni prévarication. C’est donc avec confiance que la vie, dans son incertitude, se plaint encore de sa brièveté aux enfants de l’incrédulité, qui se sont plongés tout entiers dans les voluptés corporelles, et dans leurs propres volontés, pour qu’ils soient affligés selon la chair, en reconnaissant, à l’instar de leur propre prince (b), qu’ils ont peu de temps, et qu’ils se lancent avec d’autant plus d’ardeur, dans fonte espèce de crimes, selon ce que disaient ceux que le Sage fait parler ainsi :  » Ne laissons point passer la fleur de la saison. Couronnons-nous de roses avant qu’elles se flétrissent. Qu’il n’y ait point de pré, où nos passions luxurieuses ne s’étalent, que nul endroit ne soit vierge de nos débauches, laissons partout des traces de nos excès ; car c’est là notre sort et notre partage (Sap. II, 7 à 9).  » Ou bien d’une façon plus claire encore :  » Mangeons et buvons, car nous mourrons demain (Ibid. 6).  » Mais voici ce que la justice, leur répondra demain : ceux qui n’ont pas trouvé la voie qui les conduisît. à, une cité où ils pussent fixer leur séjour, n’ont point de cité permanente ici, et plus ils se hâtent de pécher, plus ils montrent combien ils sont insensés. Évidemment, si au moment où ils commencent à trembler à la pensée de la mort qui les menace de près, et à se sentir saisis de frayeur au souvenir du jugement terrible qui les attend, la vie, malgré son incertitude, leur dit qu’elle est longue, elle les induit en erreur, puisqu’elle leur fait trouver tout à coup tellement longue une vie qu’ils gémissaient de voir si courte pour le péché, qu’ils croient pouvoir, sans crainte, en consumer dans le mal une partie notable encore puisqu’il leur en resté bien assez polir faire pénitence de leurs péchés. Mais, de même que pour les premiers, s’ils ne viennent à récipiscence, ils sont victimes de ce qu’ils appréhendent, que dis-je? ils tombent dans des maux plus considérables que ceux qu’ils redoutent, puisque non-seulement ils voient passer avec une effrayante rapidité ces jours de péché, mais encore les voient suivre des jours ou plutôt de l’éternité même des supplices; ainsi, ceux qui avaient à la bouche les mots de paix et de sécurité, verront fondre, tout à coup, sur eux, la mort qui ne leur laissera même pas jouir de la moitié des jours de vie dont ils se berçaient, encore dans leurs rêves, ni en remplir, même à moitié, le cours comme ils se l’étaient promis.

4. Pour ce qui vous concerne, mes frères, je n’appréhende ni vaine tristesse de la brièveté de la vie qui est vraie, ni trompeuses espérances fondées sur une durée qui n’est pas, attendu qu’il est très-certain pour moi que vous avez commencé à entrer dans les voies qui conduisent à la cité, où vous pouvez fixer votre séjour et que vous ne marchez point dans des sentiers non frayés, mais bien dans la voie. Pourtant, je crains, pour vous, autre chose que cela, c’est que la vie non pas vous illusionne par l’apparence de sa longueur, mais qu’au lieu de vous être, à cause même de sa brièveté, un sujet de consolation, elle ne le soit de tristesse. Oui, j’ai peur que dans la pensée que ce qui vous reste à vivre et la

(b – C’est du diable que saint Bernard veut parler ici, selon ces paroles de l’Apocalypse « Le diable est descendu vers vous plein de colère, parce qu’il sait bien le peu de temps qu’il lui reste (Apoc. XI, 12 ). « )

route à parcourir ne soient bien longs encore, votre âme ne se laisse aller au découragement, et ne désespère de pouvoir soutenir jusqu’au bout des fatigues si grandes et si prolongées. Mais les consolations divines versent la joie dans l’âme des élus à proportion de la multitude de leurs épreuves. Oui, à présent, c’est à proportion de ces épreuves, c’est avec mesure, en quelque sorte qu’elles nous sort données. Mais après cela, ce ne sont plus des consolations, mais des délices sans fin que nous trouverons dans la droite du Seigneur. Soupirons, mes frères, après cette droite qui doit nous embrasser tous, soupirons après ces délices, et que l’excès de nos désirs nous fasse trouver courts les jours qui nous restent à vivre et qui seront, en effet, bien vite passés.  » Tontes les souffrances de la vie, présente n’ont point de proportion avec cette gloire qui sera, un jour, découverte en nous (Rom. VIII, 16).  » Quelle agréable promesse, comme elle est digne de faire l’objet de tous nos voeux ! Nous ne nous tiendrons point là comme des spectateurs aussi vides que vains, et cette gloire ne sera pas une gloire extérieure à nous, mais elle sera en nous. En effet, nous verrons Dieu face à face, mais non hors de nous, il sera en nous; car il sera font en tons; si la terre elle-même doit être pleine de cette gloire, à combien plus forte raison notre âme devra-t-elle en être remplie ?  » Nous serons remplis des biens de votre maison (Psal. LXIV, 5),  » est-il dit. Mais pourquoi dis-je que la gloire de Dieu ne brillera pas seulement devant nous, mais en nous ? C’est que, si maintenant elle est en nous, alors elle sera révélée en nous, car pour le moment, nous sommes les enfants de Dieu; mais ce qui nous devons être, un jour, n’a point encore paru.

5. Mes frères, si nous n’avons point reçut l’esprit de ce monde, mais l’esprit qui vient de Dieu, sachons ce qui nous a été donné de Dieu. Or, pour le dire d’un mot, il nous a tout donné, et si vous ne m’en croyez pas, croyez du moins à l’Apôtre qui vous dit :  » Celui qui n’a pas même épargné son propre fils, mais l’a livré pour nous tous, ne nous a-t-il point donné tout le reste avec lui (Rom. VIII, 32) ? » Telle est, par exemple, la puissance des enfants de Dieu qu’il a donnée à ceux qui l’ont reçue; telle est la gloire réservée à chacun des fidèles, la gloire qui convient aux enfants adoptifs du père, et qui nous est donnée par celui dont nous avons vu aussi la gloire; mais la gloire qui convient au Fils unique du Père. Quant à la puissance, écoutez ce qu’il en dit lui-même : « Tout est possible à celui qui croit (Marc. IX, 12).  »

6. Mais, direz-vous, il y a encore bien des choses qui lue causent de graves inquiétudes, bien des choses qui me sont manifestement contraires, et je m’étonne que vous me disiez que tout m’a été donné, quand il n’y a presque rien qui se plie à mes désirs. Il y a certaines choses qui semblent être à notre service, mais elles ne nous sont utiles que si nous prenons la peine de nous en servir; il faut que nous commencions par les servir elles-mêmes. Ainsi, nos bêtes de somme, si, nous ne prenons point la peine de les élever, de les dompter et de les nourrir ne nous sont d’aucune utilité; la terre même qui, devrait-nous traiter en frères, ne nous donne notre pain qu’à la sueur de notre front, que dis-je ? après que nous l’avons bien cultivée, elle nous produit encore dés ronces et des épines. Ainsi en est-il de tout le reste, si nous y faisons attention toutes elles exigent de nous plus de service qu’elles ne nous en rendent, sans parler de celles qui sont toujours prêtes à nous nuire, tel que le feu à nous brûler, l’eau à nous engloutir, les bêtes sauvages à nous dévorer. Oui, j’en conviens, les choses sont ainsi, mais cela n’empêche pas que l’Apôtre ait dit vrai quand il s’exprime dans un autre endroit d’une manière encore plus explicite, en affirmant que  » Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu et qu’il a appelés, selon son décret, pour être saints (Rom. VIII, 28).  » Remarquez bien que l’Apôtre ne dit pas que tout se plie à faire nos volontés, mais contribue au bien. Les choses ne servent pas à notre volonté, mais seulement à notre utilité ; non à notre plaisir, mais à notre salut; non à nos désirs, mais à notre bien. Il est si vrai que tout contribue à notre bien, de la manière que je vous dis, que, parmi elles, on compte les choses-même qui ne subsistent pas, tels que les afflictions, la maladie, la mort et même le péché. Or, on sait bien que ces choses ne sont point des êtres, mais la corruption de l’être. Quant au péché, peut-on douter qu’il sert à notre bien quand il contribue à rendre le pécheur plus humble, plus fervent, plus vigilant, plus timoré et plus prudent?

7. Telles sont les prémices de l’esprit et du royaume, un avant-goût de la gloire, le commencement du pouvoir; et en quelque sorte les arrhes de l’héritage de notre Père. Mais lorsque nous serons dans l’état parfait, ce qui est imparfait sera aboli (Cor. XIII, 10), en sorte que tout se fera selon nos voeux; l’utile et l’agréable seront inséparablement unis, alors commencera à se faire sentir ce poids incomparable de gloire, dont le même Apôtre a dit :  » Le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons, en cette vie, produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire (II Cor. IV, 17).  » Eh bien, continuez maintenant à faire entendre vos murmures, dites : Ce moment est long et pesant, je ne puis supporter des maux si cruels et si durables. L’Apôtre représente ce qu’il souffre comme léger et momentané: or, vous n’en êtes pas venu au point d’avoir reçu des Juifs, à cinq reprises différentes, trente-neuf coups de fouet. Vous n’avez point passé un jour et une nuit au fond de la nier, vous n’avez point travaillé plus que tous les autres, enfin vous n’avez point encore résisté jusqu’à l’effusion de votre sang (II Cor. XI, passim). Vous voyez donc bien que vos souffrances ne sont pas dignes d’être comparées à la gloire, vous voyez, dis-je, que le temps de la tribulation est court et léger, taudis que le poids de la gloire est éternel, et que cette gloire même au haut des cieux dépasse toute mesure. Pourquoi vous donner ainsi des jours et des années pour un temps indéterminé? Une heure passe, une peine passe aussi, elles se suivent plutôt qu’elles ne s’enjambent, il n’en est pas ainsi de la gloire, de la rémunération, des récompenses de nos peines, elle ne tonnait ni soumission, ni fin, elle est entière à chaque instant et demeure entière éternellement.  » Après le sommeil qu’il aura donné à ses bien-aimés, ils verront leur héritage (Psal. CXXVI, 4).  » Maintenant, en effet, à chaque jour suffit sa peine, il ne peut point la réserver pour le suivant; mais la récompense de toutes nos peines nous sera donnée dans ce jour auquel nul jour ne succède. L’Apôtre a dit  » La couronne de justice m’est réservée, et le Seigneur, comme un juste juge me la rendra, ce jour-là ( II Tim. IV, 8),  » non point ces jours-là. Un seul jour passé dans vos tabernacles vaut mieux que mille autres jours (Psal. LXXXIII, 10). C’est goutte à goutte qu’on boit la peine, c’est comme à un filet d’eau courante qu’on la prend, elle passe par parties ; mais dans la rémunération c’est un torrent de voluptés, un fleuve impétueux ; un torrent débordé de joie, un fleuve de gloire, un fleuve de paix, mais un fleuve qui afflue, non pas un fleuve qui coule et s’écoule. C’est un fleuve non point parce qu’il passe, et prend son cours ailleurs, mais parce qu’il est abondant.

8. Il est dit :  » un poids éternel de gloire.  » Ce n’est pas un vêtement de gloire, une maison de gloire, mais c’est la gloire même qui nous est proposée, et, s’il se rencontre quelque fois quelque promesse de choses pareilles, ce n’est qu’une. figure. En effet, l’attente des justes dans la vérité, ce n’est pas quelque événement joyeux, mais c’est la joie même, (Prov. X, 28). On se réjouit dans les jouissances de la table, dans les pompes, dans les richesses, et même dans les vices, mais toutes ces joies aboutissent finalement à la tristesse, car étant attachées à des choses changeantes, elles changent avec leur objet. Vous allumez un flambeau, ce n’est pas la lumière pure que vous avez, mais la lumière d’un flambeau; le feu consume ce qui le nourrit, et ne s’alimente qu’en le consumant, aussi, quand la matière, commence à lui manquer il tombe, et quand elle lui rauque tout à fait il s’éteint lui même entièrement. Eh, bien, de même que, à la flamme succèdent la fumée et les ténèbres, ainsi la joie qui ne tient qu’à la présence de la chose joyeuse, se change en tristesse. Or, ce que Dieu nous présente ce n’est pas un simple rayon de miel, mais le miel le plus pur et le plus limpide, c’est la joie, la vie, la gloire, la paix, la volupté, l’aménité, la félicité, le bonheur et l’allégresse même, que le Seigneur notre Dieu thésaurise pour nous. Et tout cela ne fait qu’un, car il n’y a point de partage dans la Jérusalem céleste ; je ne dirais pas que tout cela ne fait qu’une seule et même chose, si je n’avais pour moi, comme je l’ai dit précédemment, le témoignage de l’Apôtre qui a dit :  » Le Seigneur leur sera tout en tout (I Cor. XV, 18).  » Oui, voilà quelle est notre récompense, notre couronne, notre victoire, le prix après lequel nous courons, avec le désir de nous en saisir. Mes frères, jamais un cultivateur prudent ne trouve l’époque des semailles trop longue, quand il soupire après une riche et abondante moisson, or vos jours ne sont pas moins comptés que les cheveux de votre tête, et de même qu’il ne peut périr un seul de vos cheveux, ainsi un seul de vos moments ne peut se perdre. Puis donc que nous avons reçu de telles espérances, ne perdons point courage, mes frères, ne nous fatiguons point, ne reprochons point au fardeau du Christ d’être lourd, bien qu’il nous ait assuré qu’il est léger, ni à son joug d’être pesant, mais toutes les fois que nous songeons au poids du jour, pensons à celui de la gloire éternelle, à laquelle je prie le Seigneur des vertus et le Roi de gloire de nous conduire par un effet de sa miséricorde. Mais en attendant disons, avec une humble dévotion :  » Seigneur ne nous attribuez pas votre gloire, mais réservez-la tout entière pour votre nom (Psal. CXIII. 9).  »

Saint Bernard de Clervaux (1090-1153)