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Que Dieu accueille l’homme et que l’homme s’offre à Dieu – St. Irénée de Lyon

      Le Seigneur est compatissant et miséricordieux (Ps 102, 8 ) et il aime le genre humain. Il a donc mélangé et uni l’homme à Dieu. Car si ce n’était pas un homme qui avait vaincu l’adversaire de l’homme, l’ennemi n’aurait pas été vaincu en toute justice. D’autre part, si ce n’étais pas Dieu qui nous avait octroyé le salut, nous ne l’aurions pas reçu de façon stable. Et si l’homme n’avait pas été uni à Dieu, il n’aurait pu recevoir en participation l’incorruptibilité.

      Car il fallait que le médiateur de Dieu et des hommes (1 Tm 2, 5), par sa parenté avec chacune des deux parties, les ramenât l’une et l’autre à l’amitié et à la concorde, en sorte que tout à la fois Dieu accueillit l’homme et que l’homme s’offrit à Dieu.

      Comment aurions-nous pu en effet avoir part à la filiation adoptive à l’égard de Dieu, si nous n’avions pas reçu, par le Fils, la communion avec Dieu? Et comment aurions-nous reçu cette communion avec Dieu, si son Verbe n’était pas entré en communion avec nous en se faisant chair? C’est d’ailleurs pourquoi il est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu.

St Irénée de Lyon (+ vers 202) Père de l’Église.



Le Christ nous rachète par sa chair qu’il donne dans l’eucharistie* – St Irénée de Lyon

Le Christ nous rachète par sa chair qu’il donne dans l’eucharistie*

(* Adversus hareses, V, 2, P. G.? 7, 1123-1128)

1. Vains aussi, les gens qui prétendent que le Christ est venu dans une chair qui n’était pas la nôtre (Les gnostiques distinguaient divers Christs, entre Dieu et les hommes.), comme si, jaloux de l’œuvre d’autrui, il voulait montrer l’homme dont un autre était l’auteur, à ce Dieu qui n’avait rien créé, mais s’était vu, depuis le commencement, retirer le pouvoir de créer des hommes. Sa venue parmi nous est inutile, si, comme ils le croient, il s’est incarné dans une nature différente de la nôtre. Il ne nous a pas non plus véritablement rachetés de son sang, s’il ne s’est point fait véritablement homme, et ne nous a refaits de sa propre substance, puisque, nous l’avons rappelé tout à l’heure, l’homme a été créé à l’image et ressemblance de Dieu; et si enfin, au lieu de chercher à ravir le bien d’autrui, il n’a assumé sa propre créature, dans la justice et la miséricorde. Je dis justice car il fallait le prix de son sang pour racheter des créatures qui l’avaient abandonné. Je dis miséricorde quand je songe à nous-mêmes qui avons été rachetés. Car nous ne lui avions rien donné auparavant et il ne nous demande rien à la façon d’un pauvre; mais c’est nous qui avions besoin de communiquer à lui et voilà pourquoi il s’est épanché parmi nous afin de nous réunir dans le sein de son Père.

2. Insensés aussi, les gens qui méprisent l’économie de Dieu à l’égard du monde, nient le salut de la chair, raillent la nouvelle naissance, et l’estiment incapable d’accéder à l’incorruptibilité. La chair ne peut-elle se sauver? Le Seigneur ne nous a donc pas rachetés de son sang; la coupe de l’eucharistie ne nous fait pas participer à son sang, ni le pain que nous rompons à son corps. Car il n’est pas de sang qui ne provienne des veines, de la chair, de la substance même de l’homme, que le Verbe de Dieu a véritablement assumée. Il nous a rachetés de son sang, l’apôtre lui aussi en témoigne: « En lui nous avons la rédemption, par son sang, et le pardon des péchés. » (Colossiens, 1, 14.)

Nous sommes ses membres, et sa création nous nourrit. C’est lui qui nous la donne, en levant son soleil, en faisant tomber sa pluie, à son gré. Cette coupe qui vient de sa création, il déclare qu’elle est son propre sang, dont s’imprègne notre sang; et ce pain, qui es lui aussi de sa création, il affirme qu’il est son corps, qui donne naissance à nos propres corps.

3. Quand le calice coupé d’eau et le pain reçoivent la parole de Dieu, quand l’eucharistie devient le corps du Christ et que notre propre nature tire de ce changement sa force et sa consistance, les hérétiques osent affirmer que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu, c’est-à-dire la vie éternelle, quoiqu’elle soit nourrie du corps et du sang de notre Seigneur, et qu’elle soit désormais devenue une part de lui-même. Comme l’écrit le bienheureux Paul aux Éphésiens: Nous sommes les membres de son corps, de sa chair, et de ses os (Éphésiens, 5, 30.). Il ne fait point allusion ici à un homme spirituel et invisible. Car l’Esprit n’a ni os ni chair (Luc, 24, 39.). Il parle du corps de l’homme réel, composé de chair,de nerfs et d’os, et qui se nourrit de la coupe, sang du Christ, et se fortifie du pain, corps du Christ. Comme le cep, planté en terre, se charge de fruits en son temps; comme le grain de blé, enfoui dans le sol, s’y dessèche puis lève, multiplié par l’esprit de Dieu qui tient tout ensemble – mis par la sagesse de Dieu à la disposition de l’homme, ils reçoivent la parole de Dieu et deviennent l’eucharistie, le corps et le sang du Christ, – ainsi nos corps, nourris par elle, et ensevelis dans la terre, s’y dissolvent, mais ils ressusciteront en leur temps, par la parole de Dieu, pour la gloire de Dieu le Père, qui dispense au mortel l’immortalité, et donnera gratuitement l’incorruptibilité à son corps corruptible: la puissance de Dieu s’accomplit dans notre faiblesse.

Nous ne détenons pas la vie en nous-mêmes; ne nous enflons donc pas et ne nous dressons pas contre Dieu d’un cœur ingrat. Sachons d’expérience que sa longanimité seule, et non notre nature, nous procurera le séjour éternel; ne nous privons pas de la gloire qui enveloppe Dieu, tel qu’il est; ne nous trompons pas sur notre nature. Voyons ce qui est dans le pouvoir de Dieu et de quel bienfait il comble l’homme. Ne faisons point d’erreur sur la véritable nature des choses, je veux dire sur Dieu et sur l’homme. Dieu n’a-t-il pas, comme je l’ai déjà dit, toléré que nous nous dissolvions en la terre, afin qu’instruits en toutes choses, nous devenions soucieux de toute vérité, et ne soyons plus igorants ni de lui ni de nous-mêmes?

St Irénée de Lyon (+ vers 202)