DERNIERE EXHORTATION DE S. ANDRÉ KIM TAEGON (Martyr)

DERNIERE EXHORTATION DE S. ANDRÉ KIM TAEGON

Frères et amis très chers, pensez et repensez à ceci : depuis le commencement des temps. Dieu a disposé le ciel, la terre et toute chose ; réfléchissez pourquoi et dans quelle intention il a créé l’homme, chaque homme, à son image et à sa ressemblance.

Si donc en ce monde rempli de dangers et de misère nous ne connaissons pas le Seigneur notre créateur, à quoi bon être nés ! Notre vie est inutile. Grâce à Dieu, nous sommes venus au monde. Grâce à Dieu également, nous avons reçu le baptême, nous sommes entrés dans l’Église, et, devenus disciples du Seigneur, nous portons un nom glorieux. Mais à quoi enfin servirait ce nom s’il ne recouvre pas la réalité ? Sinon, c’est en vain que nous serions venus au monde, que nous serions entrés dans l’Église. Bien plus, cela ne servirait pas le Seigneur et sa grâce. Il serait mieux pour nous de n’être pas nés que de recevoir la grâce du Seigneur et de pécher contre lui.

Voyez le paysan qui fait les semailles dans son champ : au temps convenable, il laboure la terre, puis il y met de l’engrais, et sans regarder à sa peine sous le soleil il cultive avec soin la semence. Quand le temps de la moisson est arrivé, si les épis sont gonflés, il oublie sa peine et sa sueur, son cœur est dans la joie et il se félicite de la récolte. Mais si le grain est maigre, s’il n’y a rien d’autre que paille et épis vides, le paysan se souvient de son dur travail et de sa sueur et plus il avait travaillé ce champ, plus il le délaisse.

Il en va ainsi du Seigneur : la terre, c’est son champ ; nous les hommes, la semence ; la grâce, l’engrais. Par l’incarnation et la rédemption, il nous arrose de son sang pour que nous grandissions et que nous parvenions à maturité. Quand viendra le temps de la moisson au jour du jugement, si, par grâce, nous sommes trouvés mûrs, nous connaîtrons la joie du royaume des cieux comme des fils adoptifs de Dieu ; mais si nous ne sommes pas trouvés mûrs, nous serons devenus ennemis de Dieu, de fils adoptifs que nous étions, et nous recevrons la punition éternelle que nous aurons méritée.

Frères très chers, sachez-le : notre Seigneur Jésus, en venant ici-bas, a supporté lui-même des douleurs sans nombre, par sa passion il a fondé l’Église et par la passion de ses fidèles il la fait grandir. Les puissances de ce monde peuvent bien l’opprimer et l’attaquer, jamais elles ne pourront l’emporter sur elle. Après l’Ascension de Jésus, depuis le temps des Apôtres jusqu’à maintenant, la sainte Église a grandi partout au milieu des persécutions.

Voici maintenant cinquante ou soixante ans que la sainte Église est entrée dans notre Corée ; les fidèles ont supporté à plusieurs reprises la persécution. Aujourd’hui encore celle-ci recommence : de nombreux amis dans la foi et moi-même sommes en prison, et vous aussi vous êtes menacés. Puisque nous formons un seul corps, comment ne pas avoir le cœur en peine ? Comment ne pas ressentir humainement la douleur de la séparation ?

Cependant, l’Écriture nous le dit, Dieu prend soin du moindre cheveu de notre tête, rien n’échappe à sa science infinie. Comment donc regarder cette persécution autrement que comme une permission du Seigneur, soit pour nous récompenser, soit pour nous punir ? Suivez donc la volonté de Dieu, combattez de tout cœur pour notre chef divin, Jésus, et vous vaincrez le démon de ce monde, déjà vaincu par le Christ.

Je vous en conjure : n’oubliez pas l’amour fraternel, mais secourez-vous mutuellement et persévérez jusqu’à ce que le Seigneur ait pitié de nous et écarte la persécution.

Nous sommes vingt ici et, grâce à Dieu, nous allons tous bien jusqu’à présent. Si quelqu’un est mis à mort, je vous conjure de ne pas oublier sa famille.

J’aurais encore bien des choses à vous dire, mais comment m’exprimer par lettre ? Je termine donc. Pour nous d’ici peu nous irons au combat ; je vous supplie de vous garder dans la fidélité de manière à nous retrouver ensemble dans la joie du ciel. Je vous embrasse de tout cœur.