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Profession de foi – St Hilaire de Poitiers

Profession de foi

Traité de la Trinité (12, 52, 53, 57) – St Hilaire de Poitiers

Aussi longtemps que le permet la vie que tu m’as donnée, Père saint, Dieu tout-puissant, je veux te proclamer comme le Dieu éternel et comme l’éternel père. Je n’aurai jamais le ridicule ni l’impiété de m’établir juge de ta toute-puissance et de tes mystères, de faire passer ma faible connaissance avant la notion vraie de ton infinité et la foi en ton éternité. Jamais je n’affirmerai donc que tu aies pu exister sans ta Sagesse, ta Vertu, ton Verbe; l’unique Dieu engendré, mon Seigneur, Jésus-Christ.

La faible et imparfaite parole humaine n’aveugle pas les sens de ma nature à ton sujet, au point de réduire ma foi au silence, faute de mots possibles. Si déjà en nous la parole, la sagesse, la vertu sont l’oeuvre de notre mouvement intérieur, ton Verbe, ta Sagesse, et ta Vertu sont auprès de Toi, génération parfaite du Dieu parfait. Il demeure éternellement inséparable de Toi, celui qui apparaît dan les propriétés ainsi nommées, comme né de Toi. Il est né de manière à n’exprimer que Toi, son auteur; la foi en ton infinité demeure entière, si nous affirmons qu’il est né avant le temps éternel.

Déjà dans les choses de la nature nous ne connaissons pas les causes, sans pour autant ignorer les effets. Et nous faisons un acte de foi, quand ignore notre nature. Lorsque j’ai fixé ton ciel avec les faibles yeux de ma lumière, j’ai pensé qu’il ne pouvait être que Ton ciel. Quand je considère les courses stellaires, les retours annuels, les étoiles du printemps, l’étoile du nord, l’étoile du matin, le ciel où chaque astre joue un rôle propre, je te découvre, Toi, ô Dieu, en ce monde céleste, que mon intelligence ne peut étreindre.

Quand je vois les merveilleux mouvements de la mer, non seulement la nature imite, mais même le rythme mesuré des eaux est pour moi un mystère. J’ai cependant la foi de la raison naturelle, alors même que les apparences sont impénétrables. Au-delà des limites de mon intelligence, je retrouve encore ta Présence.

Lorsqu’en esprit je me tourne vers l’immensité des terres qui reçoivent toutes les semences, par des virtualités cachées les font germer, puis vivre et se multiplier, et, une fois multipliées, les affermissent dans leur croissance, je ne trouve rien en cela que mon intelligence puisse expliquer. Mais mon ignorance me permet de mieux te contempler, j’ignore la nature qui est à mon service, mais j’y reconnais ta Présence.

Moi-même je ne me reconnais pas: je t’admire d’autant plus que je me connais moins. J’expérimente, sans les connaître, le mécanisme de ma raison et la vie de mon esprit: et cette expérience, je la dois à Toi, qui, au-delà de l’intelligence des principes, dispense à ton gré, pour notre joie, le sens de la nature profonde.

Si je Te connais, tout en m’ignorant moi-même, si ma connaissance se change en vénération, je ne veux en rien en moi informer la foi en ta toute-puissance, laquelle me dépasse souverainement. Ainsi je ne puis prétendre concevoir l’origine de ton Fils, unique: ce serait vouloir m’établir en juge de mon Créateur et Dieu.

Conserve, je t’en prie, intact le respect de ma foi, et jusqu’à la fin de mon existence, donne-moi cette conscience de mon savoir, que je garde fermement ce que je possède, ce que j’ai professé dans le symbole de foi de ma régénération, lorsque j’ai été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Donne-moi de t’adorer, Toi, notre Père, et ton Fils avec Toi; d’être digne de l’Esprit-Saint, qui procède de Toi par le fils unique. De ma foi est témoin celui qui dit: Père, tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi. Mon Seigneur, Jésus-Christ, qui est en Toi, de Toi, auprès de Toi, sans cesser d’être Dieu, qui est loué dans les siècles des siècles. Amen.

Saint Hilaire de Poitiers (+367)