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Le chant nouveau * – Saint Augustin d’Hippone

Le chant nouveau * – Saint Augustin d’Hippone

* P.L., 38, 210-213, Sermon 34 sur le psaume 149.

      1. L’on nous invite à chanter au Seigneur un chant nouveau. L’homme nouveau connaît ce chant nouveau. Le chant est l’expression de la joie, et à la réflexion, il est aussi l’expression de l’amour. Celui donc qui sait aimer la vie nouvelle sait chanter ce chant nouveau. Qu’est-ce que la vie nouvelle? Le chant nouveau nous incite à la chercher. Car tout ici appartient à l’unique royauté: l’homme nouveau, le chant nouveau, le testament nouveau, et dès qu’il chantera son chant nouveau, l’homme nouveau appartiendra au testament nouveau.

      2. Il n’est personne qui n’aime: mais qu’aime-t-on? On n’exige pas que nous cessions d’aimer, mais que nous choisissions l’objet de notre amour. Or choisirions-nous si nous n’étions d’abord choisis? Nous n’aimons que si nous sommes aimés les premiers. Écoutez l’apôtre Jean: c’est lui qui se penchait sur le coeur de son Maître et qui, en ce repas, buvait les célestes secrets. Cette boisson, cette ivresse heureuse lui inspirèrent ce mot: « Au commencement était la Parole » (Jean, 1, 1). Sublime humilité! Enivrement spirituel! Mais ce grand inspiré, c’est-à-dire ce grand prédicateur (Augustin joue sur le double sens de ructare, roter et prêcher.), entre autres secrets qu’il puisa sur le coeur de son Maître, proféra celui-ci: « Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier. » (1Jean, 4, 10). C’était accorder beaucoup à l’homme que de dire en parlant de Dieu: Nous aimons. Nous, lui? Des hommes, Dieu? Des mortels, l’éternel? Des pécheurs, le juste? Des êtres fragiles, l’immuable? Des créatures, le créateur? Nous l’avons aimé! Et comment l’avons-nous pu? Parce que lui-même nous a aimés le premier. Celui que nous avons aimé s’est lui-même donné: il s’est donné pour que nous l’aimions. Qu’a-t-il donné pour que nous l’aimions? L’apôtre Paul vous le dira plus clairement: « L’amour de Dieu, dit-il, s’est répandu en nos coeurs. » (Romains, 5, 5). Par qui? Est-ce pour nous? Non. Par qui alors? Par l’Esprit-Saint qui nous a été donné.

      3. Pleins d’un si grand témoignage, aimons Dieu par Dieu. Puisque l’Esprit-Saint est Dieu, aimons Dieu par Dieu. Que dirai-je de plus? Aimons Dieu par Dieu. L’amour de Dieu, dis-je, s’est répandu dans nos coeurs, par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. Et de ce que l’Esprit-Saint est Dieu et que nous ne pouvons aimer Dieu que par l’Esprit-Saint, il découle que nous aimons Dieu par Dieu. La conclusion s’impose. Jean vous le dira plus nettement encore! « Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui » (Jean, 4, 8 ); c’est peu de dire: l’amour vient de Dieu. Mais qui d’entre nous oserait répéter cette parole: Dieu est amour? Elle a été proférée par quelqu’un qui connaissait ce qu’il possédait. Pourquoi l’imagination de l’homme, pourquoi son esprit frivole lui représentent-ils Dieu, pourquoi forgent-ils une idole à son coeur? Pourquoi lui donnent-ils un Dieu imaginaire, au lieu du Dieu qu’il a mérité de trouver? Est-ce là dieu? Non, mais le voici. Pourquoi esquisser ces contours? Pourquoi disposer ces membres? Pourquoi tracer ces lignes gracieuses? Pourquoi rêver des beautés de son corps? Dieu est amour. Quelle est la couleur de l’amour? Quelles sont ses formes et ses lignes? Nous ne voyons rien de lui, et pourtant nous aimons.

      4. J’ose le déclarer à votre Charité (Votre Charité ou Votre Sainteté sont des formules de politesse qu’Augustin adresse fréquemment à son auditoire): cherchons en bas ce que nous découvrirons là-haut. L’amour humble et bas lui-même, l’amour sale et honteux qui ne s’attache qu’à la beauté physique, cet amour, dis-je, nous presse pourtant et nous élève vers des sentiments plus hauts et plus purs. Un homme sensuel et débauché aime une femme d’une rare beauté. Il est bouleversé par la grâce de son corps, mais, au-dedans, il cherche une réponse à sa tendresse. Apprend-il que cette femme le hait? Toute la fièvre, toutes les transes qu’excitaient ces traits admirables retombent. Devant cet être qui le fascinait, il éprouve un haut-le-coeur; il s’éloigne, plein de colère, et l’objet de sa tendresse lui inspire même un commencement de haine. Son corps s’est-il pour autant altéré? Ses charmes se sont-ils évanouis? Non. Mais il brûlait pour l’objet qu’il voyait, et il exigeait du coeur un sentiment qu’il ne voyait pas. S’aperçoit-il au contraire qu’il est aimé de retour? Comme il redouble d’ardeur! Elle le voit, il la voit, mais nul ne voit l’amour, et pourtant, c’est lui que l’on aime, quoique invisible!

      5. Relevez-vous de ces désirs fangeux et demeurez dans la pure lumière de l’amour. Tu ne vois pas Dieu: aime, et tu le possèdes. Tant de biens, objets de vils désirs, sont aimés sans être possédés. On les convoite âprement, mais on ne peut les posséder aussitôt. L’amour de l’or nous en donne-t-il la possession? Beaucoup l’aiment et n’en ont pas. Aimer les grands et riches domaines, est-ce les avoir? Beaucoup les aiment et n’en ont pas. Aimer les honneurs, est-ce les détenir? Beaucoup en sont dénués et brûlent de les acquérir. Ils se démènent, et le plus souvent, meurent avant que le succès ait couronné leurs efforts.

      Mais Dieu s’offre à nous, d’emblée. Aimez-moi, nous crie-t-il, et vous me posséderez. Car vous ne pouvez m’aimer sans me posséder.

      6. O frères! O fils! O germes catholiques! O plantes saintes et célestes, ô vous qui êtes régénérés en Jésus-Christ et nés dans le ciel, écoutez-moi, ou plutôt écoutez par moi: Chantez au Seigneur un chant nouveau! Bien, dis-tu, je chante. Tu chantes, oui, tu chantes. J’entends. Mais que ta vie ne porte pas témoignage contre ta langue. Chantez avec la voix, chantez avec le coeur, chantez avec la bouche, chantez avec la vie, chantez au Seigneur un chant nouveau. Mais comment devez-vous chanter celui que vous aimez? Sans nul doute, c’est celui que tu aimes que tu désires chanter. Tu veux connaître sa gloire pour la chanter. Vous avez entendu: Chantez au Seigneur un chant nouveau. Vous voulez connaître sa gloire? Sa gloire est dans l’assemblée des saints. La gloire de celui que l’on chante n’est autre que le chanteur. Voulez-vous dire gloire à Dieu? Soyez vous-même ce que vous dites. Vous êtes sa gloire, si vous vivez dans le bien. Car sa gloire n’est pas dans la synagogue des Juifs, elle n’est pas dans les folies des païens, elle n’est pas dans les erreurs des hérétiques, elle n’est pas dans les applaudissements du théâtre. Vous cherchez où elle est? Jetez les yeux sur vous-mêmes, soyez-la vous-mêmes. Sa gloire est dans l’assemblée des saints. Sais-tu d’où vient ta joie quand tu chantes? Qu’Israël se réjouisse en celui qui l’a faite; et Israël ne trouve point d’autre joie qu’en Dieu.

      7. Interrogez-vous bien, mes frères; détruisez vos greniers intérieurs. Ouvrez les yeux, considérez votre capital d’amour, et augmentez ce que vous en aurez découvert. Veillez sur ce trésor afin d’être riches en vous-mêmes.

      On dit chers les biens qui ont un grand prix; et non par hasard. Remarquez bien cette expression: ceci est plus cher que cela. Que signifie « est plus cher »? N’est-ce pas: est d’un plus grand prix, quoi de plus cher que l’amour même (Mot à mot: Qu’est-ce qui est plus cher que la charité? Augustin joue l’origine commune des deux termes: carus, caritas), mes frères? Quel en est, à votre sens, le prix? Et comment le payer? Le prix du blé, c’est ta monnaie; le prix d’une terre, c’est ton argent; le prix d’une pierre, ton or; le prix de ton amour, c’est toi. Tu voudrais acheter un champ, une pierre, une bête de somme, et pour le payer, tu cherchez une terre, tu regardes autour de toi. Mais si tu désires posséder l’amour, ne cherche que toi-même, ne trouve que toi-même. Que crains-tu en te donnant? De te perdre? Mais c’est au contraire en te donnant que tu ne te perds pas. L’amour lui-même s’exprime dans la Sagesse et apaise d’un mot le désarroi où te jetait cette parole: « donne-toi toi-même ». Car si un homme voulait te vendre un champ, il te dirait: Donne-moi ton or; ou à propos d’un autre objet, donne-moi ta monnaie, donne-moi ton argent. Écoute ce que te dit par la bouche de la Sagesse, l’amour: « Mon enfant, donne-moi ton coeur » (Proverbes, 23, 26); Mon enfant, donne-moi, dit-elle. Quoi? Ton coeur. Il était mal, quand il était en toi, quand il était à toi; tu étais la proie de futilités, de passions impures et funestes. Otes-le de là. Où le porter? Où l’offrir? Donne-moi ton coeur! Qu’il soit à moi, et tu ne le perdras pas. Regarde: a-t-il voulu rien laisser en toi qui puisse te rendre encore cher à toi-même? « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, dit-il, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée »? (Matthieu, 22, 37). Que reste-t-il de ton coeur, par où tu puisses t’aimer? Que reste-t-il de ton âme? Et de ta pensée? De tout, dit-il. Il t’exige tout entier, celui qui t’a fait. Mais ne t’attriste pas, comme si toute joie était morte en toi. Qu’Israël se réjouisse, non en elle-même, mais en celui qui l’a faite.

      8. Mais, répondras-tu, s’il ne me reste rien pour m’aimer, puisque de tout mon coeur, de toute mon âme, et de toute ma pensée, je suis tenu d’aimer celui qui m’a fait, comment puis-je obéir au second commandement, qui m’enjoint d’aimer mon prochain comme moi-même? Mais c’est par là plus encore que tu dois aimer ton prochain de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. Comment? Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dieu de tout moi-même: mon prochain comme moi-même. Comment m’aimer? Comment t’aimer? Veux-tu savoir comment t’aimer? Ainsi t’aimes-tu: en aimant Dieu de tout toi-même. Crois-tu aider Dieu en l’aimant? A quoi lui sert l’amour que tu lui portes? Et si tu ne l’aimes pas, que perdra-t-il? C’est toi qui gagnes à l’aimer; tu seras là où tu ne peux mourir. Mais, diras-tu encore, quand ne me suis-je aimé? Non, non, tu ne t’aimais pas, quand tu n’aimais pas Dieu, qui t’a fait. Tu te haïssais, et tu croyais t’aimer! « Qui aime la violence, hait son âme! » (Psaumes, 11, 5).

      9. Adressons-nous à notre Seigneur, notre Dieu, notre Père tout-puissant, et d’un coeur pur, dans la mesure de notre petitesse, rendons-lui les plus grandes et les plus ardentes actions de grâces. Supplions de toute notre âme son incomparable bonté de bien vouloir accueillir nos prières, d’éloigner par sa puissance l’ennemi de nos actions et de nos pensées, d’augmenter notre foi, de diriger notre esprit, de lui inspirer des pensées spirituelles, et de nous conduire à sa joie! Par Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur, qui avec lui vit et règne dans l’unité de l’Esprit-Saint, Dieu, en tous les siècles des siècles. Amen.

Saint Augustin d’Hippone (+430)



Profession de foi – St Hilaire de Poitiers

Profession de foi

Traité de la Trinité (12, 52, 53, 57) – St Hilaire de Poitiers

Aussi longtemps que le permet la vie que tu m’as donnée, Père saint, Dieu tout-puissant, je veux te proclamer comme le Dieu éternel et comme l’éternel père. Je n’aurai jamais le ridicule ni l’impiété de m’établir juge de ta toute-puissance et de tes mystères, de faire passer ma faible connaissance avant la notion vraie de ton infinité et la foi en ton éternité. Jamais je n’affirmerai donc que tu aies pu exister sans ta Sagesse, ta Vertu, ton Verbe; l’unique Dieu engendré, mon Seigneur, Jésus-Christ.

La faible et imparfaite parole humaine n’aveugle pas les sens de ma nature à ton sujet, au point de réduire ma foi au silence, faute de mots possibles. Si déjà en nous la parole, la sagesse, la vertu sont l’oeuvre de notre mouvement intérieur, ton Verbe, ta Sagesse, et ta Vertu sont auprès de Toi, génération parfaite du Dieu parfait. Il demeure éternellement inséparable de Toi, celui qui apparaît dan les propriétés ainsi nommées, comme né de Toi. Il est né de manière à n’exprimer que Toi, son auteur; la foi en ton infinité demeure entière, si nous affirmons qu’il est né avant le temps éternel.

Déjà dans les choses de la nature nous ne connaissons pas les causes, sans pour autant ignorer les effets. Et nous faisons un acte de foi, quand ignore notre nature. Lorsque j’ai fixé ton ciel avec les faibles yeux de ma lumière, j’ai pensé qu’il ne pouvait être que Ton ciel. Quand je considère les courses stellaires, les retours annuels, les étoiles du printemps, l’étoile du nord, l’étoile du matin, le ciel où chaque astre joue un rôle propre, je te découvre, Toi, ô Dieu, en ce monde céleste, que mon intelligence ne peut étreindre.

Quand je vois les merveilleux mouvements de la mer, non seulement la nature imite, mais même le rythme mesuré des eaux est pour moi un mystère. J’ai cependant la foi de la raison naturelle, alors même que les apparences sont impénétrables. Au-delà des limites de mon intelligence, je retrouve encore ta Présence.

Lorsqu’en esprit je me tourne vers l’immensité des terres qui reçoivent toutes les semences, par des virtualités cachées les font germer, puis vivre et se multiplier, et, une fois multipliées, les affermissent dans leur croissance, je ne trouve rien en cela que mon intelligence puisse expliquer. Mais mon ignorance me permet de mieux te contempler, j’ignore la nature qui est à mon service, mais j’y reconnais ta Présence.

Moi-même je ne me reconnais pas: je t’admire d’autant plus que je me connais moins. J’expérimente, sans les connaître, le mécanisme de ma raison et la vie de mon esprit: et cette expérience, je la dois à Toi, qui, au-delà de l’intelligence des principes, dispense à ton gré, pour notre joie, le sens de la nature profonde.

Si je Te connais, tout en m’ignorant moi-même, si ma connaissance se change en vénération, je ne veux en rien en moi informer la foi en ta toute-puissance, laquelle me dépasse souverainement. Ainsi je ne puis prétendre concevoir l’origine de ton Fils, unique: ce serait vouloir m’établir en juge de mon Créateur et Dieu.

Conserve, je t’en prie, intact le respect de ma foi, et jusqu’à la fin de mon existence, donne-moi cette conscience de mon savoir, que je garde fermement ce que je possède, ce que j’ai professé dans le symbole de foi de ma régénération, lorsque j’ai été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Donne-moi de t’adorer, Toi, notre Père, et ton Fils avec Toi; d’être digne de l’Esprit-Saint, qui procède de Toi par le fils unique. De ma foi est témoin celui qui dit: Père, tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi. Mon Seigneur, Jésus-Christ, qui est en Toi, de Toi, auprès de Toi, sans cesser d’être Dieu, qui est loué dans les siècles des siècles. Amen.

Saint Hilaire de Poitiers (+367)



Sermon aux néophytes – St Jean Chrysostome

Sermon aux néophytes – Saint Jean Chrysostome

      Veux-tu connaître la puissance du sang de Jésus-Christ? Revenons à la figure qui l’annonce, aux événements anciens qui se passèrent en Égypte, et que raconte l’Écriture. A cette époque Dieu a voulu envoyer la dixième plaie aux Égyptiens et frapper la nuit tous les premiers-nés, vers minuit, parce qu’on retenait par force son premier-né, le peuple élu.

      Pour ne pas frapper le peuple juif en même temps que les Égyptiens – les deux habitant le même pays – il donna un signe distinctif, un signe merveilleux pour que tu discernes la puissance de la vérité signifiée. Déjà la colère de Dieu menace et l’on redoute l’ange exterminateur qui doit visiter toute demeure. C’est à ce moment que Moïse donne l’ordre: « Immolez un agneau d’un an, sans défaut, et de son sang marquez vos portes. » (Exode, 12, 7) Comment? Le sang d’un agneau peut-il sauver des hommes doués de raison? Certainement pas en tant qu’il est du sang, mais parce qu’il figure le sang du Maître. La statue de l’empereur inanimé et sans vie donne abri, selon le droit antique, à tout homme vivant qui s’y réfugie, non point parce qu’elle est en fonte, mais parce qu’elle représente l’empereur. Il en est de même du sang inanimé et sans vie de l’agneau, il peut sauver des âmes humaines, non point parce qu’il est du sang, mais parce qu’il figure le sang du Christ. L’ange exterminateur en voyant le sang de l’agneau sur les portes passait et n’osait pas entrer, à plus forte raison l’ennemi se tiendra-t-il à distance en apercevant non le sang de l’agneau aux linteaux des portes, mais le sang véritable du Christ aux lèvres des fidèles, aux portes des temples vivants de Dieu? Si l’ange craignait déjà la figure, à plus forte raison le démon fuit-il la réalité!

      Veux-tu connaître encore mieux la puissance du sang du Christ, souviens-toi de son origine. Il a coulé du côté du Maître en croix. Quand Jésus eut expiré, encore en croix, raconte l’Écriture, un soldat vint et lui ouvrit le côté avec une lance. « Il en coula de l’eau et du sang » (Jean, 19, 34). L’eau symbolise le baptême, le sang est la figure de l’Eucharistie. Voilà pourquoi il est écrit: il coula du sang et de l’eau, mais d’abord de l’eau, puis du sang. Nous sommes d’abord lavés dans le baptême, puis gratifiés du sacrement eucharistique.

      La lance du soldat ouvrit le côté et brisa le mur du temple saint. Voici, j’y ai trouvé un trésor de grâce. Il en fut de même de l’agneau pascal. Les Juifs immolaient l’agneau, et nous, nous avons cueilli le fruit de la figure: Du côté coula du sang et de l’eau.

      Ne passe pas à pieds joints sur cet épisode, riche de significations et considère un autre mystère qui s’y cache. J’ai dit l’eau et le sang sont les symboles du baptême et de l’Eucharistie. Dans les deux sacrements, le bain de la nouvelle naissance et le mystère eucharistique qui tirent leur origine du côté transpercé du Christ, est fondée l’Église.

      De ce côté ouvert Jésus a bâti l’Église, comme Ève à tire son origine du côté d’Adam. Voilà pourquoi Paul a pu écrire: « Nous sommes de sa chair et de ses os » (Éphésiens, 5, 30), en pensant à la plaie du côté. Dieu a pris le côté du flanc d’Adam pour former la femme, le Christ même nous donne sang et eau de son côté pour former l’Église. De même que Dieu avait pris la côté d’Adam pendant qu’il dormait, en extase, de même Jésus nous donne sang et eau, après s’être endormi dans la mort. Là le sommeil d’Adam, ici le sommeil de la mort.

      Voyez donc combien le Christ est uni à son épouse. Voyez avec quelle nourriture il nous rassasie. Il est lui-même notre nourriture et notre festin. Comme une femme nourrit son enfant de son lait maternel, en quelque sorte avec son propre sang, ainsi le Christ nourrit sans cesse ceux à qui il a donné la vie de la nouvelle naissance, au prix de son propre sang.

Saint Jean Chrysostome (+ vers 407)   



Le Christ nous rachète par sa chair qu’il donne dans l’eucharistie* – St Irénée de Lyon

Le Christ nous rachète par sa chair qu’il donne dans l’eucharistie*

(* Adversus hareses, V, 2, P. G.? 7, 1123-1128)

1. Vains aussi, les gens qui prétendent que le Christ est venu dans une chair qui n’était pas la nôtre (Les gnostiques distinguaient divers Christs, entre Dieu et les hommes.), comme si, jaloux de l’œuvre d’autrui, il voulait montrer l’homme dont un autre était l’auteur, à ce Dieu qui n’avait rien créé, mais s’était vu, depuis le commencement, retirer le pouvoir de créer des hommes. Sa venue parmi nous est inutile, si, comme ils le croient, il s’est incarné dans une nature différente de la nôtre. Il ne nous a pas non plus véritablement rachetés de son sang, s’il ne s’est point fait véritablement homme, et ne nous a refaits de sa propre substance, puisque, nous l’avons rappelé tout à l’heure, l’homme a été créé à l’image et ressemblance de Dieu; et si enfin, au lieu de chercher à ravir le bien d’autrui, il n’a assumé sa propre créature, dans la justice et la miséricorde. Je dis justice car il fallait le prix de son sang pour racheter des créatures qui l’avaient abandonné. Je dis miséricorde quand je songe à nous-mêmes qui avons été rachetés. Car nous ne lui avions rien donné auparavant et il ne nous demande rien à la façon d’un pauvre; mais c’est nous qui avions besoin de communiquer à lui et voilà pourquoi il s’est épanché parmi nous afin de nous réunir dans le sein de son Père.

2. Insensés aussi, les gens qui méprisent l’économie de Dieu à l’égard du monde, nient le salut de la chair, raillent la nouvelle naissance, et l’estiment incapable d’accéder à l’incorruptibilité. La chair ne peut-elle se sauver? Le Seigneur ne nous a donc pas rachetés de son sang; la coupe de l’eucharistie ne nous fait pas participer à son sang, ni le pain que nous rompons à son corps. Car il n’est pas de sang qui ne provienne des veines, de la chair, de la substance même de l’homme, que le Verbe de Dieu a véritablement assumée. Il nous a rachetés de son sang, l’apôtre lui aussi en témoigne: « En lui nous avons la rédemption, par son sang, et le pardon des péchés. » (Colossiens, 1, 14.)

Nous sommes ses membres, et sa création nous nourrit. C’est lui qui nous la donne, en levant son soleil, en faisant tomber sa pluie, à son gré. Cette coupe qui vient de sa création, il déclare qu’elle est son propre sang, dont s’imprègne notre sang; et ce pain, qui es lui aussi de sa création, il affirme qu’il est son corps, qui donne naissance à nos propres corps.

3. Quand le calice coupé d’eau et le pain reçoivent la parole de Dieu, quand l’eucharistie devient le corps du Christ et que notre propre nature tire de ce changement sa force et sa consistance, les hérétiques osent affirmer que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu, c’est-à-dire la vie éternelle, quoiqu’elle soit nourrie du corps et du sang de notre Seigneur, et qu’elle soit désormais devenue une part de lui-même. Comme l’écrit le bienheureux Paul aux Éphésiens: Nous sommes les membres de son corps, de sa chair, et de ses os (Éphésiens, 5, 30.). Il ne fait point allusion ici à un homme spirituel et invisible. Car l’Esprit n’a ni os ni chair (Luc, 24, 39.). Il parle du corps de l’homme réel, composé de chair,de nerfs et d’os, et qui se nourrit de la coupe, sang du Christ, et se fortifie du pain, corps du Christ. Comme le cep, planté en terre, se charge de fruits en son temps; comme le grain de blé, enfoui dans le sol, s’y dessèche puis lève, multiplié par l’esprit de Dieu qui tient tout ensemble – mis par la sagesse de Dieu à la disposition de l’homme, ils reçoivent la parole de Dieu et deviennent l’eucharistie, le corps et le sang du Christ, – ainsi nos corps, nourris par elle, et ensevelis dans la terre, s’y dissolvent, mais ils ressusciteront en leur temps, par la parole de Dieu, pour la gloire de Dieu le Père, qui dispense au mortel l’immortalité, et donnera gratuitement l’incorruptibilité à son corps corruptible: la puissance de Dieu s’accomplit dans notre faiblesse.

Nous ne détenons pas la vie en nous-mêmes; ne nous enflons donc pas et ne nous dressons pas contre Dieu d’un cœur ingrat. Sachons d’expérience que sa longanimité seule, et non notre nature, nous procurera le séjour éternel; ne nous privons pas de la gloire qui enveloppe Dieu, tel qu’il est; ne nous trompons pas sur notre nature. Voyons ce qui est dans le pouvoir de Dieu et de quel bienfait il comble l’homme. Ne faisons point d’erreur sur la véritable nature des choses, je veux dire sur Dieu et sur l’homme. Dieu n’a-t-il pas, comme je l’ai déjà dit, toléré que nous nous dissolvions en la terre, afin qu’instruits en toutes choses, nous devenions soucieux de toute vérité, et ne soyons plus igorants ni de lui ni de nous-mêmes?

St Irénée de Lyon (+ vers 202)   



Un maître doux et humble de coeur – S. Jean Chrysostome

      Le Christ est pour nous, aujourd’hui encore, un maître plein de douceur et d’amour. Il ne cesse jamais de prendre soin de notre salut. Il le déclare nettement dans l’Évangile: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11, 28-29). Qu’elle est grande la bienveillance du créateur! Comment la créature n’est-elle pas saisie de stupeur? Venez à moi, devenez mes disciples le Maître est venu consoler ses serviteurs déchus.

      Voyez comme il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. La race de ceux qui déchaînent sa colère devrait être anéantie, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur.

S. Jean Chrysostome (+407)
Archevêque de Constantinople   



Donnez gratuitement, Dieu est amour

      Si tu as l’amour, tu possèdes Dieu, et si tu possèdes Dieu, que te manque-t-il? Que possède le riche s’il n’a pas l’amour? Que manque-t-il au pauvre, s’il a de l’amour? Peut-être penses-tu qu’il est riche celui dont le coffre est plein d’or, et pauvre celui dont la conscience est remplie de Dieu? Tu as tort, car il est vraiment riche, celui dans lequel Dieu daigne habiter. Que pourras-tu ignorer des Écritures, si l’amour, c’est-à-dire Dieu a commencé à te posséder? Quelle bonne action ne pourras-tu pas faire si tu es digne de porter en ton coeur la source de tout bienfait? Quel adversaire craindras-tu si tu mérites d’avoir Dieu en toi comme roi.

      Tenez donc et gardez, frères très chers, le lien doux et salutaire de l’amour. Mais avant tout, conservez l’amour véritable, non celui que la bouche promet seulement, et que le coeur ne garde pas, mais celui qui, proféré de bouche, est immédiatement retenu dans le coeur. Ainsi la parole de l’Apôtre sera accomplie en nous: Soyez enracinés dans l’amour et fondés sur lui (Ep 3, 17).

S. Césaire d’Arles (+543)
Évêque d’Arles



Priez le maître d’envoyer des ouvriers pour sa maison

      Ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés, au peuple de Dieu. Et, en premier lieu, ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair, peuple très aimé du point de vue de l’élection, à cause des pères, car Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel.

      Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour.

      Et même des autres, qui cherchent encore dans les ombres et sous des images un Dieu qu’ils ignorent, Dieu n’est pas loin, puisque c’est lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses, et puisqu’il veut, comme Sauveur, que tous les hommes soient sauvés.

Concile de VATICAN II   



Le règne de Dieu est tout proche de vous – S. Cyrille d’Alexandrie

      Le Seigneur avait choisi douze disciples et les avait appelés Apôtres; puis il en avait désigné soixante-dix autres et les avait envoyés le précéder et pénétrer avant lui dans tous les villages et les bourgs de Judée, en le proclamant, lui et ce qui le concerne. Il les envoya, bien pourvus des qualités apostoliques, et les présenta, gratifiés du don d’agir reçu de l’Esprit Saint. Il leur avait donné sur les esprits impurs assez de pouvoir pour les chasser. Ces disciples, après avoir accompli beaucoup de signes, sont revenus en disant: Seigneur, les démons eux-mêmes nous sont soumis en ton nom (Lc 10, 17). C’est pour cela que le Christ, parfaitement conscient que ses envoyés avaient fait du bien à beaucoup de gens et avaient éprouvé mieux que les autres sa propre gloire, fut rempli de joie et d’exultation. Étant bon, amoureux des hommes et désireux qu’ils soient tous sauvés, il s’est réjoui de la conversion des égarés, de l’illumination de ceux qui se trouvaient dans les ténèbres et du retour des ignorants et des révoltés à la connaissance de sa gloire…

S. Cyrille d’Alexandrie (+ 444)
Saint Cyrille, évêque d’Alexandrie et docteur de l’Église,
participa au concile d’Éphèse (431), qui donna à Marie le titre de « Mère de Dieu ».



La parabole de l’ivraie – Mgr Jean-Baptiste PHAN MINH MAN

Dieu avait besoin d’un père pour son peuple.
Il choisit un vieillard.
Alors Abraham se leva…

Il avait besoin d’un porte-parole.
Il choisit un timide qui bégayait.
Alors Moïse se leva…

Il avait besoin d’un chef pour conduire son peuple.
Il choisit le plus petit, le plus faible.
Alors David se leva…

Il avait besoin d’un roc pour poser l’édifice.
Il choisit un renégat.
Alors Pierre se levat…

Il avait besoin d’un visage pour dire aux hommes son amour.
Il choisit une prostituée.
Ce fut Marie de Magdala…

Il avait besoin d’un témoin pour crier son message.
Il choisit un persécuteur.
Ce fut Paul de Tarse…

Il avait besoin de quelqu’un pour que son peuple se rassemble et qu’il aille vers les autres.
Il t’a choisi(e).
Même si tu trembles, pourrais-tu ne pas te lever?

Mgr Jean-Baptiste PHAN MINNH MAN   
cardinal-archevêque de Ho Chi Minh-ville (Vietnam). 



Éternel est son amour! – S. Augustin d’Hippone

Éternel est son amour!

      Frères, je vous exhorte à louer Dieu. Nous le disons les uns aux autres en chantant ce mot « alleluia ».

      Mais louez Dieu de tout votre être, non seulement de votre bouche et de votre voix, mais de toute votre conscience, mais de toute votre vie, mais de toutes vos oeuvres.

      En ce moment, nous louons Dieu rassemblés dans l’église. Mais, quand chacun de nous retournera à ses affaires, il semblera que l’on cesse de le louer. Ne cesse pas de bien vivre, et tu loueras Dieu sans cesse, par ta vie. Ta louange s’arrêtera quand tu t’écarteras des voies de la justice.

      Si tu ne t’écartes pas d’une vie bien vécue, ta vie parlera, même si ta langue est muette, car l’oreille de Dieu entend ton coeur. Nos oreilles entendent nos paroles, mais Dieu entend nos pensées…

      Frères, ne vous attachez donc pas seulement au son de la voix. Quand vous louez Dieu, que tout votre être loue, que chante votre voix, que chante votre vie, que chantent vos actes.

S. Augustin d’HIPPONE (+430)