Archives de catégorie : Sermons



PENTECÔTE – Abbé Bernard Scher

      La PENTECÔTE que nous célébrons aujourd’hui (comme tous les ans, 50 jours après Pâques), est la fête de l’ouverture de l’Église au monde entier. Vous vous souvenez: dans l’Ancien Testament, on raconte l’épisode de «la tour de Babel», où les gens parlaient des langues différentes et ne pouvaient plus se comprendre, donc plus travailler ensemble. Le Pentecôte est le contraire de cet événement. Pou remplir sa mission de témoigner de l’Évangile, l’Église doit se faire entendre et se faire comprendre sur la terre entière, dans toutes les langues, dans toutes les cultures et dans toutes les situations; le message porté par Jésus doit être mêlé intimement à l’existence de tous les hommes. C’est pour cela que, 2000 ans après, il est toujours d’actualité. Et cet événement qu’ont vécu les apôtres, il y a bien longtemps, est encore un modèle pour nous aujourd’hui.

      Après le départ de Jésus, les apôtres n’étaient pas fiers du tout; certes il fallait bien que cette petite poignée d’hommes et de femmes tiennent ensemble après tout ce qu’ils avaient vécu avec Lui. Et puis, Il leur a promis de ne pas les laisser seul: «Le Père vous donnera un autre Défenseur, qui sera toujours avec vous, l’Esprit de vérité.» Ils ne savaient certainement pas de quoi il s’agissait, mais ils Lui ont fait entièrement confiance. C’est pourquoi ils attendaient réunis tous ensemble. Après l’irruption de ce vent violent et l’apparition des langues de feu, eux, qui étaient paralysés par la peur, ouvrent tout grand les portes et les fenêtres. Ils sortent pour dire à ces gens venus de partout, ce qu’ils ont vécu avec Jésus.

      C’est avec ce coup de vent mystérieux qu’une nouvelle ère a commencé: cette Église que nous formons encore aujourd’hui est née ce jour-là, grâce aux apôtres qui sont allés annoncer la Bonne Nouvelle de par le monde entier.

      Cet Esprit n’est pas forcément dans les gesticulations spectaculaires, ni dans les prétendus guérisons et discours en langues incompréhensibles. Il ne se révèle pas à travers les ors et les richesses d’une Église qui, heureusement, a perdu son pouvoir matériel. Il est dans les apôtres et les saints de tous les temps; il agit dans les familles, dans les groupes, unis par la tendresse, l’entraide, le dévouement et l’amour vrai. Il souffle dans l’humble vie de tous les jours où d’innombrables femmes, hommes, jeunes et enfants manifestent quotidiennement leur amour pour les autres, dans un accueil et un service authentiques.

      Et je crois fermement qu’il agit en nous, chaque fois que nous faisons un pas vers les autres, à tous ces moments où nous nous efforçons de vivre sérieusement la Parole du Seigneur. C’est à travers des gestes tout simples de notre vie quotidienne que nous construirons, petit à petit, le Royaume de Dieu sur terre, poussés par l’Esprit Saint.

      Comme chrétiens nous n’avons pas le droit de nous décourager, car nous savons que l’Esprit est toujours à l’œuvre dans nos vies et dans le monde. Même si, parfois, nous avons l’impression que tout est perdu, surtout à ces moments où nous baissons les bras, efforçons-nous de découvrir les petites étincelles d’espérance, d’amour, de joie que l’Esprit-Saint ne cesse d’allumer autour de nous. Comme les apôtres, portons-le, avec enthousiasme à nos frères et sœurs, surtout à ceux et celles qui en ont le plus besoin et célébrons-le avec joie dans cette Eucharistie de la Pentecôte. AMEN

Abbé Bernard Scher
Communauté de paroisses St Benoît de Bouzonville



Que faire pour devenir beau? St Augustin d’Hippone

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      Aimons, parce que lui nous a aimé le premier (1 Jn 4, 19). En effet, comment pourrions-nous aimer, si lui ne nous avait aimé le premier? En l’aimant, nous sommes devenus ses amis; mais ce sont des ennemis qu’il a aimés pour en faire des amis. Le premier il nous a aimés, et nous a donné de l’aimer. Nous ne l’aimions pas encore; en l’aimant nous devenons beaux. Que fait un homme laid et de visage ingrat, s’il aime une belle? Ou que fait une femme laide, si elle aime un beau garçon? Pourra-t-elle à force d’amour devenir belle? Et lui, à force d’amour, pourra-t-il devenir beau? Il aime une belle; et quand il se regarde au miroir, il rougit de lever les yeux sur cette belle, son aimée. Que faire pour devenir beau? Attendra-t-il que vienne la beauté? Bien au contraire, s’il attend, survient la vieillesse et sa laideur s’aggrave. Il n’y a donc rien à faire.

      Or notre âme, mes frères, était laide par le péché; en aimant Dieu, elle devient belle. Quel est cet amour qui rend belle l’âme aimante? Comment deviendrons-nous beaux? En aimant celui qui est éternellement beau. Plus croît en toi l’amour, plus croît la beauté, car la charité est la beauté de l’âme.

St. Augustin d’Hippone (+430)



Peut-on ne pas l’aimer – St Pierre Chrysologue

      Nous nous demandons souvent pour quelle raison le Christ fait ainsi son entrée dans le monde des hommes, qui va être le sien. Est-ce pour savoir par expérience l’exiguïté du sein maternel? pour subir la violence de l’enfantement? pour supporter d’être lié par des langes? pour endurer une humble origine? pour apprendre à se procurer avec des larmes l’aliment du nourrisson? pour connaitre en tous leurs détails la croissance et la dépendance de l’enfant? Celui dont le vif désir était d’apporter la grâce, de chasser la crainte, d’attirer l’amour, comment donc pouvait-il venir?

      L’ordre naturel dans son ensemble enseigne le pouvoir d’un bébé et son attente. La petite enfance! Il n’est pas de sauvagerie dont elle triomphe! de cruauté qu’elle n’adoucisse! d’inhumanité qu’elle ne retienne! de fureur qu’elle ne modère! de puissance qu’elle ne désarme! de roideur qu’elle n’amollisse! de dureté qu’elle ne détende!

      Que réclame-t-elle, sinon un peu d’amour? Y a-t-il tant soi peu d’affection qu’elle ne prenne de force? Son charme l’impose! Peut-on ne pas l’aimer? Les pères savent, les mères sentent qu’il en est bien ainsi; tous en font l’expérience; les entrailles humaines l’attestent. C’est pourquoi il a voulu naître, celui qui a voulu être aimé et non craint. Et pourtant, voyez de quel profit aux yeux du méchant (Hérode), a été cet âge tendre, caressant, aimant et aimé.

S. Pierre Chrysologue (+450)



C’est en toi que nous reposons – Grégoire de Nazianze

C’est en toi que nous reposons, Verbe de Dieu, quand nous restons chez nous; à toi nous attachons notre loisir.

Assis, nous sommes à toi; à toi en nous levant et en nous arrêtant;
à toi encore quand nous partons; et maintenant, c’est sur tes indications que nous marchons droit devant nous.

Mais puisses-tu m’envoyer l’un de tes anges pour me guider, un accompagnateur favorable qui me conduirait au moyen d’une colonne de feu et de nuée,
qui d’un mot fendrait la mer et arrêterait les cours d’eau, qui dispenserait avec largesse une nourriture venue d’en haut comme d’en bas.

Le sentier ardu et escarpé, tu le rendrais lisse et praticable pour moi qui suis ton serviteur, comme souvent déjà auparavant, en m’abritant sous ta main tu m’as sauvé des dangers de terre et de mer, de terribles maladies et de situations pénibles.

Après avoir trouvé une issue favorable à notre voyage, vers nos amis et nos parents retournons joyeux pour les retrouver en joie quand nous paraîtrons chez nous au terme de nos peines.

S. Grégoire de Nazianze (+ v. 390)



Croyant mais pas pratiquant? – Abbé Bernard Scher

Lundi dernier, lors de la première réunion du C.I.P. (Conseil Inter Paroissial – 19 personnes de la ‘Communauté de Paroisses St Benoît de Bouzonville’ étaient présentes), nous avons partagé et réfléchi à partir de l’expression que l’on entend souvent : «Je suis croyant, mais pas pratiquant», et nous nous sommes demandé ce que cela signifiait.
Dans l’Évangile de ce jour, Jésus nous pose la question directement : «Pour vous, qui suis-je ?» Il faut le reconnaître : aujourd’hui la FOI ce n’est plus une préoccupation pour beaucoup, même pas pour un certain nombre de chrétiens. Des théologiens se sont demandé : «Le christianisme va-t-il mourir ?» Et des prêtres disent parfois, avec un brin d’humour : «Sommes-nous les derniers des mohicans ?»

Les effectifs des catholiques, en France et ailleurs sont en baisse, tous les sondages le révèlent. Il y a de moins en moins de monde à l’église, mais qu’est-ce que cela signifie ? Saint Augustin (5e s.) disait déjà : «Beaucoup, qui se croient dedans, sont dehors et beaucoup qui se croient dehors, sont dedans.»

A la lumière des textes de ce 24ème dimanche du temps ordinaire, faisons le point de notre situation : La question fondamentale, posée à tout chrétien, est cette demande de Jésus : «Pour vous, qui suis-je ?» Jésus se rendait bien compte qu’Il était mal perçu par beaucoup de ses contemporains et Il fait un « sondage d’opinions ». Il se rendait compte que les foules lui prêtaient des visages divers; mais la plupart ne voyaient pas en Lui le Messie attendu par le Peuple Juif.
Si l’Église d’aujourd’hui est en perte de vitesse c’est peut être parce qu’elle n’a pas su ‘marcher derrière le Christ en portant sa croix’. Trop longtemps (et peut-être aujourd’hui encore) elle était une puissance qui imposait son autorité aux rois, aux gouvernants, aux peuples et aux fidèles. Nous, les chrétiens, pour être témoins, nous devons être ceux qui marchent derrière le Christ-serviteur en portant leur croix; être des hommes d’action qui avancent; je ne possède pas la foi, je la vis. Comme nous le dit saint Jacques dans la 2ème lecture : «Si quelqu’un prétend avoir la foi alors qu’il n’agit pas à quoi cela sert-il ? Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique… C’est par mes actes que je te montrerai ma foi.»

Cet Évangile que nous lisons régulièrement, devrait être capable d’attirer les hommes et les femmes de bonne volonté; il le fera à condition ‘Que nous le vivions le plus possible et que nous ne l’obscurcissions pas par des pratiques, des regrets, des nostalgies, des restaurations, qui lui feraient perdre de sa force d’attrait’ (Confession d’un cardinal – d’Olivier Le Gendre). L’Église n’a pas à faire de grands discours, à semer de belles paroles, ou pas uniquement, car cela peut n’être qu’une façade. Un chrétien vérifie sa foi dans ses comportements, en famille, au travail, dans la paroisse. C’est ce que font tous ces mouvements et services d’Église qui se présentent aujourd’hui. Ce sont des enfants, des jeunes, des adultes, des couples qui partagent leur foi en équipe et qui essaient de la vivre dans leurs relations quotidiennes. «C’est par leurs actes qu’ils montrent leur foi» . Et, dans notre Communauté il y a encore des témoins discrets d’une foi vivante qui s’épanouit en services généreux, qui donnent du temps, qui accueillent, aident et encouragent.

Notre époque a un besoin pressant de ces témoins d’une foi vivante, de personnes qui n’aient pas peur de reconnaître en Jésus Celui qui les fait vivre et qui leur montre le chemin, même s’il est parfois dur. Si nous étions vraiment témoins, si les chrétiens vivaient une foi authentique, les difficultés que l’Église traverse, ne seraient plus insurmontables et le christianisme ne mourrait certainement pas.

 » Pour toi, qui suis-je ? » Que vais-je répondre à cette question du Christ ?
AMEN

Abbé Bernard Scher
Communauté de Paroisses St Benoît de bouzonville



Quel engagement pour Christ? – Abbé Bernard Scher

Quel engagement pour Christ?

Homélie de l’Abbé Bernard Scher – 12/7/2009

Dans l’Église le manque de prêtres se fait ressentir douloureusement; leur nombre diminue régulièrement: cette année, 2 prêtres ont été ordonnés à la cathédrale de Metz, le 29 juin dernier; c’est vraiment peu pour remplacer ceux qui meurent au cours de l’année et ceux qui prennent la retraite. Nous nous en plaignons régulièrement.

Une chose est de se lamenter. Autre chose est de se poser des questions sérieuses sur notre vocation notre place de laïcs, de baptisés dans l’église et dans le monde d’aujourd’hui ! Les textes de ce 15° dimanche du temps ordinaire peuvent nous aider à réfléchir à cela.

A une certaine époque, il y a quelques 2000 ans, une douzaine d’hommes ont été invités par ce Jésus qu’ils ne connaissaient pas, ou à peine ; ce qui est étonnant c’est qu’ils ont répondu « oui » à son appel. Sa réputation est venue jusqu’à eux et peut-être certains pensaient-ils qu’il y avait quelque chose à gagner, d’autres rêvaient d’une bonne place dans le gouvernement du futur Royaume…

Ils Le voyaient faire des miracles, Il parlait tellement bien que la foule venait à Lui et certainement qu’ils n’étaient pas peu fiers de Lui, eux qui vivaient dans l’intimité d’un tel homme.

Jusqu’à présent ils étaient ‘spectateurs’. Et voilà que maintenant Jésus les met à l’action : « Pour la 1° fois Il les envoie deux par deux… » Il les envoie en mission, comme Lui. Mais, ce qui est étonnant, c’est qu’Il ne leur prescrit pas ce qu’il faut dire; Il ne leur impose pas une doctrine, mais leur conseille une façon d’être. Il leur fait confiance. Ce sont des gens tout simples, rien d’extraordinaire dans leur vie ! Et leur foi est encore très fragile. Il leur confie la responsabilité de l’Évangile; Il met en leurs mains son pouvoir d’enseigner, de guérir les malades et d’exorciser. Il met sur eux les fondations de son Église.
Pour que toute mission réussisse il faut l’accomplir à plusieurs, ensemble; nous ne pouvons pas être chrétiens tout seul dans notre coin : nous construisons Église en communauté.

Jésus envoie ses disciples deux par deux, pour donner plus de poids à leur témoignage. Agir en franc tireur, faire du témoignage une affaire personnelle n’aboutit qu’à de maigres résultats. Un père de l’Église disait : « Le Seigneur les envoya deux par deux pour qu’en prêchant la charité ils puissent d’abord la pratiquer. » C’est pour cela que le travail en équipe est tellement important. En faisant équipe (ce qui n’est pas toujours facile), nous serons de vrais témoins, c’est-à-dire des gens qui vivent ensemble ce qu’ils disent.

Les apôtres partent, « allégés » au maximum. Ne rien emporter pour la route, sauf ce qui est indispensable pour se déplacer : un bâton et des sandales.

Pour notre mission nous n’avons pas à nous encombrer de ‘richesses’; les ‘moyens pauvres’, particulièrement efficaces sont l’accueil, le service, la simplicité dans nos relations, la joie et l’espérance…

Jésus les prévient, et Il nous le redit à nous : être apôtre, porter témoignage de la Bonne Nouvelle n’est pas facile, et le découragement devant les incompréhensions, la mauvaise volonté nous guette toujours. Il s’agit pour nous aujourd’hui – et c’est le pape Benoît XVI qui nous le redit dans sa dernière encyclique « l’amour dans la vérité » – de mettre en évidence quels sont pour nous chrétiens, les objectifs à poursuivre et les valeurs à défendre, afin de parvenir à une société humaine vraiment libre et solidaire.

A la suite du Christ ressuscité, à la suite de tous les apôtres de tous les temps, soyons témoins et acteurs d’espérance dans ce monde qui est le nôtre et qui reste toujours à évangéliser.

Abbé Bernard Scher
Retrouvez les homélies de l’Abbé Scher sur Le site de la Communauté de Paroisses St Benoît de Bouzonville



Le Corps et le Sang du Christ

Le Corps et le Sang du Christ

Homélie de l’Abbé Bernard Scher – (14/6/2009)

Aujourd’hui nous célébrons la fête- Dieu, le Corps et le Sang du Christ, la fête de l’Eucharistie.
L’Eucharistie c’est le rassemblement de ceux qui adhèrent à Jésus-Christ, qui essayent de vivre de Sa Vie et de pratiquer Son Amour, dont Il continue de nous combler chaque jour.

Le rassemblement pour cette célébration, que nous vivons régulièrement, dit que nous faisons partie d’une EGLISE, qui n’est pas simplement une administration extérieure formée par le pape, les évêques, les prêtres et les laïcs; il dit que nous formons cette immense communion de tous les chrétiens répandus sur la terre entière, dont nous sommes devenus membres par notre Baptême. L’Église c’est nous tous et toutes, dans la mesure où nous essayons de vivre concrètement, chaque jour, de ce Christ qui nous a donné son Amour en mourant sur la croix et en ressuscitant le jour de Pâques; nous formons cette Église dans la mesure où nous vivons de Sa Vie là où nous côtoyons nos frères et soeurs.

La célébration eucharistique, la messe, s’enracinent dans un désir amoureux de Dieu : «J’ai désiré ardemment manger cette Pâque avec vous», disait Jésus lors du dernier repas avec ses apôtres. Et Il a fait un geste d’amour extrême pour tous ceux qui croiront en Lui : «Prenez et mangez, ceci est mon Corps; prenez et buvez, ceci est mon Sang.» Par ce geste Il s’est donné entièrement à nous, Il a montré Son Amour extrême pour les hommes.

Chaque fois que nous participons à l’Eucharistie, il faudrait que nous nous posions la question :
Ma présence ici est-elle en relation, ou plutôt, est-elle fruit de mon amour pour Dieu et pour les autres ?

Dans l’Ancien Testament, Dieu ressemblait encore beaucoup aux dieux protecteurs des autres peuples qu’on servait et qu’on apaisait par des offrandes. Mais les prophètes invitaient déjà le Peuple Choisi à une religion d’amour : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur.» et aussi : «Revenez à moi de tout votre coeur», dit le Seigneur.

Depuis la venue de Jésus parmi nous, nous savons qu’on ne peut pas séparer notre amour pour Dieu et celui pour les autres. Venons-nous à la messe par routine, par habitude, ou sommes-nous là pour puiser à la Source un amour toujours renouvelé ? Il faut que notre messe s’enracine dans le quotidien de notre existence humaine. Célébrer le Repas du Seigneur ce n’est pas assister à ‘un souper aux chandelles’ ou à une simple cérémonie du souvenir. Ce repas est ‘subversif’ parce qu’il nous engage à revivre tous les gestes libérateurs du Christ, à risquer, comme Lui, notre vie pour nos frères les hommes. Comment peut-on, par exemple, rompre le pain avec le Christ en laissant mourir de faim les trois quarts de l’humanité ? Comment pouvons-nous venir ici pour célébrer l’Amour si nous sommes en guerre avec nos voisins ou avec tel membre de notre famille ? Célébrer l’Eucharistie, le repas du Seigneur, c’est entrer, jour après jour, dans Sa logique d’Amour, c’est faire mourir en moi, en nous, tout qui est obstacle à l’Amour, à la Paix, à la Justice…

N’est-ce pas formidable que le Fils du Dieu Tout-Puissant nous dise : «C’est ma chair et mon sang que je vous donne jusqu’à la fin des temps. Je suis présent à toute votre vie… et vous pouvez vivre de Ma vie !»

Frères et soeurs, en cette fête du Corps et du Sang du Christ, accueillons le Seigneur dans toute notre vie. Portons-le à tous nos frères et soeurs que nous rencontrerons durant cette semaine; soyons ‘transparents’ de Sa présence amoureuse dans le monde. Ainsi, en ‘pratiquant’ l’Eucharistie en dehors de l’église, dans nos lieux de vie, nous serons les apôtres de Son Amour pour tous les hommes.

AMEN

Abbé Bernard Scher
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Le sacrifice sacerdotal* – Grégoire de Nazianze

Le sacrifice sacerdotal*
Grégoire de Nazianze (+389/390)

*Sermon 1 sur Pâques. Prononcé en 362, devant le père de Grégoire qui était évêque de Nazianze et avait fait construire l’église de cette ville. C’est lui qui avait poussé son fils à lui succéder dans son ministère.

      1. Jour de résurrection, heureux commencement! Célébrons, radieux, cette fête et donnons-nous le baiser de paix. Appelons « frères » ceux qui nous haïssent, et pas seulement les amis qui nous ont rendu service ou ont souffert pour nous. Pardonnons tout en l’honneur de la résurrection; oublions nos torts mutuels. Je vous pardonne, moi, la belle violence que vous m’avez faite (c’est maintenant que je la trouve belle!) et vous qui m’avez brusqué de si belle manière, pardonnez à mon retard. Vous m’en faites reproche: mais qui sait si Dieu ne le préfère pas à la hâte des autres? Ces quelques hésitations qu’à l’appel de Dieu marquèrent jadis le grand Moïse et plus tard Jérémie, valent bien la prompte obéissance d’Aaron et d’Isaïe! Il faut seulement que les deux attitudes soient inspirées par la piété. L’une émane du sentiment de notre faiblesse; l’autre de la puissance de celui qui nous appelle.

      2. Un mystère m’a oint. Et je ne me suis dérobé à ce mystère que le temps de m’examiner. Je reviens à vous, en plein mystère, amenant avec moi ce beau jour qui m’aide à vaincre mes scrupules et ma faiblesse; et j’espère que celui qui est aujourd’hui ressuscité d’entre les morts, me renouvellera en esprit, me revêtira de l’homme nouveau et donnera à sa nouvelle création (ceux qui sont nés en Dieu), un bon ouvrier et un bon maître, prêt à mourir et à ressusciter avec le Christ.

      3. Hier, on immolait l’agneau; on oignait de son sang les montants des portes; l’Égypte pleurait ses premiers-nés; l’Exterminateur nous épargnait, devant ce signe qu’il respectait et redoutait; un sang précieux nous protégeait. Aujourd’hui, purifiés, nous avons fui l’Égypte, le Pharaon, ce cruel souverain et ses impitoyables gouverneurs. Nous ne sommes plus condamnés au mortier et à la brique et nul ne nous empêchera de célébrer, en l’honneur du Seigneur notre dieu, le jour où nous sommes sortis d’Égypte, et de le célébrer non pas avec le vieux levain de la malice et de l’injustice, mais avec les azymes de pureté et de vérité, sans rien emporter de l’impie ferment d’Égypte.

      4. Hier, j’étais crucifié avec le Christ; aujourd’hui, je suis glorifié avec lui. Hier, je mourais avec le Christ; je revis aujourd’hui avec lui. Hier, j’étais enseveli avec le Christ; aujourd’hui, je sors avec lui du tombeau. Portons donc nos prémices à celui qui a souffert et qui est ressuscité pour nous. Croyez-vous que je parle ici d’or, d’argent, d’étoffes, de pierreries rares? Faibles biens de la terre! Ils ne sortent du sol que pour tomber presque toujours entre les mains de scélérats, esclaves d’ici-bas et du Prince du monde.

      Offrons donc nos propres personnes: c’est le présent le plus précieux aux yeux de Dieu et le plus proche de lui. Rendons à son image ce qui lui ressemble le plus. Reconnaissons notre grandeur, honorons notre modèle, comprenons la force de ce mystère, et les raisons de la mort du Christ.

      5. Soyons comme le Christ, puisque le Christ a été comme nous. Soyons des dieux pour lui, puisqu’il s’est fait homme pour nous. Il a pris le pire, pour nous donner le meilleur; il s’est fait pauvre, pour nous enrichir par sa pauvreté; il a pris la condition de l’esclave, pour nous procurer la liberté; il s’est abaissé, pour nous exalter; il a été tenté, pour nous voir triompher; il s’est fait mépriser, pour nous couvrir de gloire. Il est mort, pour nous sauver. Il est monté au ciel pour nous attirer à lui, nous qui avions roulé dans l’abîme du péché.

      Donnons tout, offrons tout à celui qui s’est donné comme prix, comme rançon. Nous ne donnerons rien d’aussi grand que nous-mêmes, si nous avons compris ces mystères et sommes devenus pour lui tout ce qu’il est devenu pour nous.

      6. Il (Grégoire parle ici de son père) vous donne un pasteur, vous le voyez. Car tel est son espoir, son désir, et la grâce que ce bon berger demande à ceux qu’il tient sous sa houlette. Il donne sa vie pour ses brebis, et il se donne deux fois plutôt qu’une. De son bâton de vieillesse il fait un bâton de l’Esprit. Au temple inanimé il joint un temple vivant, et à ce temple magnifique et céleste il ajoute un autre temple, qui est peut-être médiocre, mais qui lui est cher et lui a coûté bien des efforts et de la peine! Puisse-ton dire qu’il en est digne!

      Il vous donne tout ce qu’il possède. Que de grandeur en lui, ou plutôt que de tendresse envers ses enfants! Il vous donne sa vieillesse, la jeunesse d’un fils, un temple, un prêtre, un testateur, un héritier, et les paroles que vous entendiez! Et ce ne sont pas des paroles vagues qui se dissipent en l’air et ne font que heurter l’oreille; non, l’Esprit les a écrites et il les grave sur des tables de pierre ou de chair, en trait non point légers et faciles à effacer, mais il les inscrit profondément sans encre, par la grâce.

      7. Tel est le don de ce vénérable Abraham, ce patriarche, ce chef noble et respectable, demeure de toutes les vertus, règle de la sainteté, perfection du sacerdoce; il offre aujourd’hui au Seigneur, en sacrifice volontaire, son fils unique, l’enfant de la promesse. Et vous, offrez à Dieu et à nous-mêmes une grande docilité lorsque nous vous mènerons paître,

                  parqués en des prés d’herbe fraîche,
                  menés vers les eaux du repos. (Psaume, 23, 2).

      Connaissez bien votre pasteur, faites-vous connaître de lui. Écoutez sa voix franche et nette à travers la porte, n’obéissez pas à l’étranger qui saute par-dessus la clôture comme un voleur et un traître. N’écoutez pas les voix inconnues qui tireraient subrepticement loin de la vérité et vous égareraient par les monts, les déserts, les ravins, et autres lieux que le Seigneur ne visite pas, et vous éloigneraient de la vraie foi, celle qui proclame que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’une même divinité, une même puissance. Cette voix-là, mes brebis l’ont toujours écoutée; puissent-elles l’écouter encore, au lieu de celle qui accumule mensonges et infamies, et nous fait perdre notre premier et véritable berger.

      Puissions-nous tous, bergers et troupeaux, paître et faire paître loin de ces herbes vénéneuses et fatales, et être tous un dans le Christ Jésus, aujourd’hui et dans les célestes séjours. A lui, la gloire et la puissance en tous les siècles.

      Amen.

Grégoire de Nazianze (+389/390)      



Que notre prière soit publique et communautaire – Cyprien de Carthage

Que notre prière soit publique et communautaire*
Cyprien de Carthage

*De l’oraison dominicale, 8-9.

Et d’abord le maître de la paix et de l’unité n’a pas voulu que nous priions individuellement et à part, afin que celui qui prie ne prie pas uniquement pour lui. Nous ne disons pas: Mon Père qui es dans le ciel ni: donne-moi mon pain quotidien. Et chacun ne prie pas uniquement pour soi que Dieu lui remette sa dette; ou qu’il ne le soumette pas à la tentation et qu’il le délivre du mal.

Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, nous ne prions pas pour un seul mais pour tout le peuple, car avec tout le peuple nous sommes un. Le Dieu de la paix et le maître de la concorde, qui nous enseigne l’unité, a voulu que chacun prie pour tous comme lui-même nous a tous portés en un.

Les trois jeunes gens dans la fournaise ont observé cette loi de la prière, ils étaient unis dans la prière et ne faisaient qu’un cœur. L’Écriture en témoigne et, nous renseignant sur leur façon de prier, elle nous donne un exemple à imiter dans notre prière, afin de pouvoir leur ressembler. Alors, dit-elle, ces trois comme d’une seule bouche chantaient et bénissaient Dieu (Daniel, 3, 51).

Ils parlaient comme d’une seule bouche, et pourtant le Christ ne leur avait pas encore appris à prier. Leur supplication fut puissante et efficace, parce qu’une prière paisible, simple et spirituelle oblige Dieu. Tous, est-il dit, « d’un même cœur persévéraient dans la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes, 1, 14). D’un même cœur ils persévéraient dans la prière, ce qui manifeste à la fois leur ardeur et leur unité. Car Dieu, qui rassemble dans sa maison ceux qui ont un même cœur, n’admet dans ses demeures divines et éternelles que ceux qui prient en communion, les uns avec les autres.

Nous disons « Père »
Parce que nous sommes devenus fils.

Combien nombreuses et grandes sont les richesses de la prière du Seigneur. Elles sont ramassées en peu de mots mais d’une intensité spirituelle inépuisable, au point que rien n’y manque dans ce résumé de la doctrine céleste de ce qui doit constituer notre prière. Il est dit: « Priez ainsi: Notre Père qui es dans les cieux. »

L’homme nouveau, qui est re-né et rendu à son Dieu par la grâce, dit d’abord: Père, parce qu’il est devenu fils. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu, à ceux qui croient en son nom. » (Jean, 1, 12). Celui qui a cru en son nom et qui est devenu fils de Dieu doit commencer par rendre grâces et professer qu’il est fils de Dieu. Et quand il appelle Père le Dieu dans les cieux, il atteste par là même qu’il renonce au père terrestre et charnel de sa première naissance, pour ne plus connaître qu’un seul Père qui est dans les cieux. Il est écrit en effet: « Ceux qui disent à père et mère, je ne te connais pas, et ne reconnaissent pas leurs enfants, ceux-là ont observé ta parole, et ont gardé ton alliance. » (Deutéronome, 33, 9).
Le Seigneur de même nous enjoint dans l’Évangile de n’appeler personne sur terre notre père, puisque nous n’avons qu’un père qui est dans les cieux. Au disciple qui fait mention de son père défunt, il répond: « Laisse les morts enterrer leurs morts. » (Matthieu, 8, 22). Le Disciple parlait d’un père défunt, alors que le Père des croyants est vivant.

Cyprien de Carthage (+vers 258)



Prière au Christ souffrant – Ephrem (+373)

Prière au Christ souffrant* – Ephrem

*Sermon sur les souffrances du Sauveur, 9.

      Je tombe à tes genoux, Seigneur, pour t’adorer. Je te rends grâce, Dieu de bonté, je t’implore, ô Dieu de sainteté. Devant toi, je fléchis les genoux.

      Tu aimes les hommes, et je te glorifie, ô Christ. Fils unique et Seigneur de toutes choses, qui seul es sans péché: tu t’es livré, pour moi pécheur et indigne, à la mort, et à la mort de la croix. De la sorte tu as délivré les âmes des entraves du mal. Que te rendrai-je, Seigneur, pour tant de bonté?

      Gloire à toi, ô ami des hommes!
      Gloire à toi, ô miséricordieux!
      Gloire à toi, ô longanime!
      Gloire à toi, qui absous les péchés!
      Gloire à toi, qui es venu pour sauver nos âmes!
      Gloire à toi, qui t’es fait chair dans le sein de la vierge!
      Gloire à toi, qui fus ligoté!
      Gloire à toi, qui fus flagellé!
      Gloire à toi, qui fus bafoué!
      Gloire à toi, qui fus cloué à la croix!
      Gloire à toi, qui fus enseveli, et qui es ressuscité!
      Gloire à toi, qui fus prêché aux hommes, et en toi ils ont cru!
      Gloire à toi, qui es monté au ciel!
      Gloire à toi, qui es assis à la droite du Père; tu reviendras avec la majesté du Père et les saints anges, pour juger, en cette heure effroyable et terrible, toutes les âmes qui ont méprisé ta sainte Passion.

      Les puissances du ciel seront ébranlées, tous les anges, les archanges, Chérubins et Séraphins apparaîtront avec crainte et tremblement devant ta gloire; les fondements de la terre chancelleront et tout ce qui respire frémira devant ta souveraine majesté.

      En cette heure-là, que ta main m’abrite sous tes ailes, afin de sauver mon âme du feu terrible, des grincements de dents, des ténèbres extérieures et des larmes éternelles: que je puisse te glorifier en chantant:

      Gloire à celui qui a daigné sauver le pécheur, dans sa miséricordieuse bonté.

Ephrem (+373)